Elles vivent
Poétique fiction
Qualifier le travail d’Antoine Defoort de “déjanté” tiendrait presque de la tautologie. Avec L’Amicale, la plateforme coopérative de production qu’il a créée voilà 12 ans avec Halory Goerger et Julien Fournet, le metteur en scène expérimente des formes nouvelles, du genre installation-performance-conférence, avec une inclination prononcée pour la poésie et l’absurde. Alors, quand il décide de s’attaquer aux turpitudes du discours politique et aux nouveaux gourous du développement personnel, on a l’oeil qui frise. L’action se déroule dans une forêt (en images projetées) et le récit frôle la dystopie. Un homme, Michel, raconte la campagne électorale qu’il vient de mener avec son think tank “Plateforme, Contexte et Modalités” à son ami Taylor, jusque-là coupé du monde car enfermé dans un ashram (lieu isolé dédié au yoga et à la méditation) pendant deux ans, sans manger. Sur ce pitch déjà riche, Defoort ajoute une astuce narrative d’une folle créativité : un “mnémoprojecteur”, soit un casque à souvenirs permettant aux personnages de présenter aux autres ce qu’ils ont vécu, à la manière d’un PowerPoint. Novlangue de l’entreprise, vacuité des nouvelles technologies… Notre société en prend pour son grade dans ce spectacle qui rappelle la force des histoires, et la puissance des idées.