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Une colère noire

© Capicci Films

 Pour ce premier long-métrage conçu en totale indépendance, Merawi Gerima a puisé dans son expérience personnelle. Mais l’autoportrait est d’emblée une affaire collective. C’est la transformation de la ville de Washington que Residue montre avec une inventivité formelle et une lucidité politique rares.

CDe retour dans son quartier, Jay découvre que celui-ci est en cours de gentrification. Cela se signale d’abord par la couleur de la peau. Jusque-là essentiellement noir, Eckington est de plus en plus habité par de jeunes blancs. Residue ne saisit pas une diversification joyeuse et spontanée, mais l’expulsion de la classe ouvrière par des promoteurs cherchant à attirer une population plus riche. Essayant d’écrire un scénario pour témoigner de ce processus, Jay doit aussi se confronter aux ambivalences de sa position d’exilé. Coupable d’être parti, il ressent de façon plus aiguë la disparition de ce qui faisait la singularité de son quartier : un bain de voix, de rythmes et de musiques, soit autant de manifestations d’une vie publique désormais bannie au prétexte qu’elle trouble le voisinage. Tandis que les souvenirs reviennent, l’éclatement d’une génération apparaît dans toute sa violence. Un ami purge une longue peine de prison pour un délit mineur, un autre a disparu sans laisser de traces. Sans céder à une vaine nostalgie, Residue montre la précarité des vies noires soumises au racisme systémique. La colère qui éclate finalement a tout d’un geste d’impuissance. Gerima livre une fable politique dont l’écho n’en finit plus de nous interroger.

Raphaël Nieuwjaer // Photo: © Capicci Films

 De Merawi Gerima, avec Obinna Nwachukwu, Dennis Lindsey, Taline Stewart… Sortie le 05.01


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