Home Cinéma The Card Counter

Cartes sur table

Toujours en colère, Paul Schrader ? Il faut croire. Avec sa nouvelle fable sur la culpabilité et la rédemption, le scénariste de Taxi Driver nous immerge dans le monde clinquant des casinos pour mieux raviver les images traumatiques de l’histoire récente. The Card Counter a la pureté d’un diamant – et son tranchant.

D’un motel à l’autre, William Tell (Oscar Isaac) s’adonne au même étrange rituel. Il recouvre chaque meuble d’un drap blanc, en une installation qui évoquerait Christo si elle n’était surtout le symptôme de son besoin maladif de contrôle. Emprisonné durant près de dix ans pour avoir torturé des prisonniers irakiens à Abou Ghraib, il en a tiré une ascèse qui confine à l’effacement de soi. S’il maîtrise la science du poker, il ne l’applique que dans des casinos de seconde zone. William est le contraire d’un flambeur. Il ne se soumet à la tentation que pour mieux se retenir. Lorsqu’il croise par hasard son ancien supérieur hiérarchique (le diabolique Willem Dafoe) et le fils d’un autre soldat condamné, l’équilibre se rompt…

Derrière l’image

Marqué à vie par Pickpocket (1959) de Robert Bresson, Schrader en reprend l’ultime séquence, faisant de sa réplique finale un principe esthétique : « Pour aller jusqu’à toi, quel drôle de chemin il m’a fallu prendre ». Moral, cet itinéraire est aussi l’occasion d’une réflexion sur les images les plus obscènes. Comme pour la pornographie dans Hardcore (1979), Schrader envisage le cinéma tel un miroir avant d’entrevoir un retour en grâce. Quelques mois après l’enterrement en grandes pompes de Colin Powell, dont les mensonges avaient contribué à l’invasion de l’Irak, cette mauvaise conscience apparaît dans toute sa nécessité.

Raphaël Nieuwjaer // Photo : © Courtesy of Focus Features
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