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Mémoire vive

Vue d'exposition Détenues, Bettina Rheims © Julien Damien

Inauguré en 2019 dans un ancien hôtel particulier, au coeur du Vieux-Lille, l’Institut pour la Photographie fermera ses portes en fin d’année pour « au moins deux ans », initiant une grande période de travaux. Pourtant, le site ne manque pas de perspectives. Jugez plutôt : parmi les dix accrochages de cette troisième programmation, on trouve trois séries emblématiques de la portraitiste Bettina Rheims (La Chapelle, Détenues et Rose c’est Paris) ou… la toute première exposition d’Agnès Varda. Vous avez dit immanquable ?

Difficile ne pas s’émouvoir devant ce film anonyme montrant une Agnès Varda de 26 ans qui se démène derrière cette lourde chambre à soufflet. Tout juste diplômée de son CAP de photographe, la jeune femme portraiture son entourage, ses voisins… Nous sommes en 1954, et l’Ixelloise installée depuis peu à Paris prépare son premier coup d’éclat : une exposition qu’elle présentera durant 15 jours dans la cour de sa maison, au 86 rue Daguerre. C’est cet accrochage que l’Institut pour la Photographie (IPP) restitue. On y découvre des tirages un peu marqués par le passage du temps, mais rendant déjà compte de la sensibilité de la pionnière de la Nouvelle Vague. Des images teintées d’humour et d’étrangeté (telle la série Drôles de gueules, dessinant des visages dans des objets du quotidien) et, bien sûr, les fameuses pommes de terre en forme de coeur. Sans doute n’eston pas au bout de nos surprises, car les ayants droit d’Agnès Varda ont déposé (pour une période de 12 ans) près de 40 000 négatifs et planches-contacts à l’IPP, dont certains « retrouvés dans des boîtes, des cartons entourés de tissu », témoigne sa fille Rosalie.

Agnès Varda, Sel, 1951 © Succession Agnès Varda — Collection Rosalie Varda

Agnès Varda, Sel, 1951 © Succession Agnès Varda — Collection Rosalie Varda

Usine humaine

Jean-Louis Schoellkopf a lui aussi confié son oeuvre à Lille, et ce dépôt ne manque pas de sens : depuis plus de 50 ans le documentariste « militant » s’intéresse à la fin de l’ère industrielle et à la culture ouvrière, souvent à travers des portraits « car ce n’est pas le travail que je saisis, mais la trace qu’il laisse sur les gens », confie-t-il. Une approche sensible, incarnée par exemple par ses clichés de bouquets. « Mon voisin, un ancien mineur de 80 ans, en composait à ma compagne avec les fleurs de son jardin…. Ce geste est parfaitement représentatif de la tradition ouvrière, c’est de la chaleur humaine à l’état pure ».

Jean-Louis Schoellkopf, La Ricamarie,, Mineurs, 193 © Jean-Louis Schoellkopf

Jean-Louis Schoellkopf, La Ricamarie,,
Mineurs, 193 © Jean-Louis Schoellkop

Au-delà du réel

La température monte encore à l’étage, avec les trois expositions consacrées à Bettina Rheims. Elle y dévoile une installation immersive, soit une pièce recouverte de ses photos de stars prises dans les années 1990 à Los Angeles, mais aussi des portraits de détenues. Au passage, on ne manquera pas cette visite en réalité virtuelle de son studio, que la photographe vient de quitter. En enfilant un casque, on déambule dans ce vaste appartement tout en écoutant des anecdotes de l’artiste. Il s’agit-là de conserver la trace d’un lieu de création unique. « Rendre les archives vivantes, c’est aussi en fabriquer de nouvelles », soutient Anne Lacoste, la directrice de l’IPP. Ou comment tisser passé et futur, pour mieux parler d’aujourd’hui.

(c) Julien Damien

(c) Julien Damien

A LIRE AUSSI / L’INTERVIEW DE BETTINA RHEIMS

Autoportrait en Alaïa, Paris, février 1989 © Bettina Rheims

Autoportrait en Alaïa, Paris, février
1989 © Bettina Rheims

Julien Damien // Photos : Vue d'exposition Détenues, Bettina Rheims © Julien Damien // Agnès Varda, Sel, 1951 © Succession Agnès Varda — Collection Rosalie Varda // Jean-Louis Schoellkopf, La Ricamarie,, Mineurs, 193 © Jean-Louis Schoellkopf
Informations
Lille, Institut pour la Photographie
08.10.2021>05.12.2021mer > dim : 11 h–19 h • jeu : 11 h-21 h, Gratuit
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