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Retour vers le futur

(c) Ugo Bienvenu

Plus qu’un magazine, un monument de la pop-culture. Fondé en 1975 par Moebius, Philippe Druillet, Jean-Pierre Dionnet et Bernard Farkas, Métal Hurlant fut une bible pour tout amateur de bande dessinée et de science-fiction qui se respecte. Disparu il y a une vingtaine d’années, le titre signe son grand retour en kiosque en cette fin septembre sous la forme d’un trimestriel. Au sommaire ? 225 pages d’histoires courtes et 60 autres d’articles sur le thème du “near future”. Car demain n’est pas si loin…

Janvier 1975. Les Trente Glorieuses touchent à leur fin, Giscard est président et, pour le citer, la France n’a pas de pétrole mais des idées. Beaucoup d’idées… dont celles d’un certain Jean-Pierre Dionnet. Inspiré par l’avènement d’une presse underground au pays de l’Oncle Sam (citons Richard Corben), ce grand érudit veut donner ses lettres de noblesse à un genre alors mésestimé : la science-fiction. Capitaine des Humanoïdes associés, « cyber et robotique avant l’heure », il emmène avec lui deux dessinateurs de génie échappés de Pilote qui sortent littéralement la BD de ses cases. Ils se nomment Philippe Druillet et Jean Giraud, à qui l’on doit Blueberry et qui a bifurqué très tôt vers une carrière autrement plus excitante sous le pseudo de… Moebius.

Zone d’influence

Si les tirages sont restés modestes, le magazine inspirera quelques sommités. Chose rare, la revue fut en effet traduite dès ses débuts en Amérique, et Ridley Scott ou George Lucas ne resteront pas insensibles aux visions hallucinées qui transpirent de ces pages. Ainsi, L’Incal de Moebius et Jodorowsky influence de manière évidente Blade Runner. S’ouvrant tous azimuts au rock (sous la tutelle de Philippe Manoeuvre) ou à l’humour (le Lucien banané de Frank Margerin) Métal Hurlant finira par égarer son lectorat, avant de fermer en 1987 puis de connaître un sursaut entre 2002 et 2004. Un ultime numéro parut en 2006, puis plus rien. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais Vincent Bernière en a décidé autrement…

Le passé a de l’avenir

Passé par Delcourt ou Beaux Arts Magazine, cet éditeur de bon goût (à qui l’on doit aussi la résurrection des Cahiers de la BD et 2017) estime que le papier a encore de l’avenir car « l’écran ne permettra jamais de plonger dans des récits trop longs ». Et pour lui, Métal Hurlant a toujours sa place en kiosque. « La SF est un genre extrêmement pertinent pour dépeindre le monde actuel », justifie-t-il. Alors, à quoi s’attendre ? Soutenue par une campagne de financement participatif, « cette nouvelle version changera de thématique à chaque numéro, et alternera entre deux formules. L’une dédiée aux nouveaux talents, l’autre en mode “vintage”, rééditant des raretés ». Placé sous le signe du “near future” (soit l’anticipation très proche), ce sommaire inaugural annonce des entretiens avec Alain Damasio, Enki Bilal ou William Gibson (le père du cyberpunk) mais fait surtout la part belle à une nouvelle génération de bédéistes : Ugo Bienvenu (qui signe la couverture), Mathieu Bablet, Pierre Van Hove… et bien d’autres qui, on n’en doute pas, continueront d’écrire le futur – qu’il soit radieux ou radioactif…

Julien Damien // Photos : Métal Hurlant

 Métal Hurlant (Les Humanoïdes associés / Vagator Productions), 288 p., 19,95 €, disponible le 29.09

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