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Au pied du mur

(c) KogaOne

Les fresques de KogaOne ne passent pas inaperçues. De Paris à Nancy, d’Epinal à Calais, ses gigantesques portraits s’étalent en grand format sur les murs ou façades d’immeuble depuis près de dix ans, imposant un style unique dans la galaxie des “street-artistes”. Originaire de Lorraine, Matthieu Antignac (pour l’état civil) joue avec les formes, les couleurs et les contrastes pour distordre le réalisme jusqu’à l’abstraction. Quels sont ses secrets de fabrication, ses inspirations, ses envies ? Entretien.

Quand avez-vous exprimé pour la première fois un goût pour le dessin et le graffiti ? J’ai découvert le graffiti en autodidacte, assez tard, vers l’âge de 20 ans. Un ami m’a montré un magazine spécialisé et j’ai trouvé hallucinant de pouvoir concrétiser des choses pareilles à la bombe. Alors j’en ai achetées trois, qui n’allaient probablement pas beaucoup ensemble, et je suis tombé dedans. J’ai rapidement rencontré pas mal de gens dans la communauté du graffiti, notamment mes camarades du Moulin Crew, Ziké, Ced, Rodes, avec qui nous allions sur des lieux abandonnés, participions à des battles… De fil en aiguille, cette passion est devenue un job à temps plein.

Vous avez pris le temps de vous former, tout de même… Oui, j’ai obtenu un BTS en graphisme. A l’époque, j’adorais bidouiller sur l’ordinateur et voyais le graphisme comme un média qui m’aiderait à trouver des collaborations. D’ailleurs ce côté “affiche” se ressent dans mes œuvres, je crois.

Quels supports et techniques ont votre préférence ? Au départ, je n’utilisais que la bombe. Aujourd’hui, je privilégie l’acrylique et le pinceau, y compris pour les murs. D’abord pour des questions de santé, et parce que le rendu est beaucoup moins lisse qu’à la bombe. Mais je ne suis pas attaché à une méthode en particulier, je crée aussi des œuvres en atelier au stylo Bic, à la peinture à l’huile. C’est pour cela que je trouve le terme “street artiste” un peu limité. Je travaille un mur comme je travaillerais une toile.

Comment procédez-vous pour vos portraits colorés ? Les modèles sont souvent des proches. Il m’arrive aussi de piocher des images libres de droits sur internet. Quoi qu’il en soit, je pars toujours d’une photo que je retravaille sur Photoshop. La partie numérique est le socle de mon travail, j’y dessine les formes, les couleurs. Cela m’offre une structure, car tout ne peut pas être improvisé. Et puis, à partir de cette base assez rigide, je me lance.

(c) KogaOne

(c) KogaOne

De façon générale, comment qualifieriez-vous votre style ? A une époque, pour simplifier, je parlais d’”abstraction réaliste” ou de “réalisme abstrait”. Mon style est venu progressivement, j’aimais le côté un peu “glitch”, défaillance informatique, et petit à petit les formes se sont arrondies. Au début, je partais un peu dans tous les sens, et maintenant j’ai acquis une forme de charte graphique.

Comment choisissez-vous les lieux, les murs sur lesquels vous travaillez ? Je ne fais plus d’œuvres sauvages, façon vandale, et quasiment plus de lieux abandonnés. Pour la plupart de mes projets, ce sont des gens qui me contactent pour me proposer des pignons, c’est-à-dire des façades d’immeuble. J’ai la chance qu’on m’offre des terrains de jeu.

Parmi cette série, quelle serait l’œuvre dont vous seriez le plus fier, celle qui a une histoire singulière ? Dans cette sélection, vous reconnaissez une enfant avec un casque de vélo. C’est ma fille, alors ce mur-là a forcément une valeur sentimentale. Et la jeune femme rousse, sur une maison dont s’échappe une cheminée rouge, c’est le premier grand format que j’ai réalisé. Cette œuvre en a amené d’autres, donc elle est importante aussi…. En réalité chaque façade est chargée de bons souvenirs, chacune est une pierre que j’ajoute à l’édifice de ma carrière.

Quels sont vos projets et expositions à venir ? J’ai pas mal bougé ces derniers mois, à Dijon ou Chambéry. Mais la “saison” des façades touche à sa fin, et l’automne et l’hiver je travaille surtout en atelier, à des œuvres qui sont exposées dans l’une des quatre galeries avec lesquelles je travaille, à Metz, Fontainebleau, Uzès et Paris.

Propos recueillis par Marine Durand
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