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Tête d’affiche

(c) Laurent Durieux

« L’art de l’affiche de cinéma est de réduire en une image ce que le metteur en scène a réalisé en 350 000 », dit un jour Stanley Kubrick. Ce n’est pas Laurent Durieux qui le contredira. Le graphiste belge est passé maître dans cet exercice délicat. À la fois vintage et modernes, sublimant des oeuvres patrimoniales ou issues de la pop culture, ses illustrations ont tapé dans l’oeil de prestigieux réalisateurs comme (excusez du peu) Steven Spielberg ou Francis Ford Coppola. À Molenbeek, le MIMA lui déroule le tapis rouge.

Le saviez-vous ? Dans les années 1980, on remettait un César pour la meilleure affiche de film. L’idée a fait long feu, les producteurs privilégiant plutôt l’incitation commerciale à la recherche artistique. Mais depuis quelques temps, un mouvement s’est constitué autour du poster alternatif, prisé par les cinéphiles ou collectionneurs. Et le nom de Laurent Durieux ne leur est pas étranger. En une quinzaine d’années, ce Bruxellois a en effet signé pour le septième art plus d’une centaine de « gravures 2.0 » comme il les nomme. Oeuvres culte, classiques ou nouveautés, le quinquagénaire reçoit des commandes de toutes parts. Une aventure hors norme, qui a débuté un peu par hasard…

Le détail qui tue

« J’ai commencé en 2005 à créer des affiches pour le plaisir, sur le thème du rétrofuturisme, car je déprimais un peu dans mon boulot de graphiste “lambda”, n’obtenant pas les commandes rêvées », confie l’artiste. Et puis un jour, un ami lui a suggéré de sortir ses créations des tiroirs. De publications en expositions, son travail a été remarqué de l’autre côté de l’Atlantique, notamment par un certain… Steven Spielberg. L’Américain lui a d’ailleurs commandé 25 affiches de sa relecture de Jaws (Les Dents de la mer). Celle-ci résume parfaitement le “style Durieux”. Oh, rien d’extraordinaire au premier coup d’oeil. Pas un requin à l’horizon, juste une plage où se détendent quelques vacanciers. Attendez, pas si vite : ne serait-ce pas un gigantesque aileron noir qui orne ce parasol, au premier plan ? « Je vous ai bien piégé !, s’amuse Laurent Durieux. Voilà exactement l’idée du film : c’est ce qu’on ne voit pas qui fait peur ».

(c) Laurent Durieux

(c) Laurent Durieux

L’effet aquatique

Parmi les fans de Laurent Durieux, on compte aussi Francis Ford Coppola, pour lequel il a signé cette superbe affiche d’Apocalypse Now, à l’occasion de sa restauration en 2019. On y voit le visage du capitaine Willard (Martin Sheen) semi-immergé dans l’eau, « tel un chasseur à l’affût ». Dans le reflet, c’est la figure du colonel Kurtz (Marlon Brando) qui apparaît. « L’un a sombré dans la folie, l’autre est sur le point d’y entrer ». On y perçoit aussi une sublime allégorie : où placer la frontière entre le bien et le mal ? Entre autres questionnements… Dans le sillage de Norman Rockwell, son idole, Laurent Durieux adore raconter des histoires complexes en une image. Il s’agit de respecter le film original, bien sûr, mais en décalant la focale. « C’est ce qui me plaît le plus : décrypter un scénario et en livrer une lecture inédite ». On a désormais hâte de se perdre dans ses illustrations de Taxi Driver ou de La Nuit du chasseur. Coming soon…

Julien Damien
Informations
Bruxelles, MIMA
26.06.2021>09.01.2022mer > ven : 10 h - 18 h • sam & dim : 11 h - 19 h, 9,50 > 3 € (gratuit -3 ans)
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