Désigné coupable
Une vie volée
Trou noir juridique né de la « guerre contre la terreur » déclarée par George W. Bush suite au 11 septembre 2001, la prison de Guantánamo n’a guère suscité l’intérêt des cinéastes américains. Adapté du journal d’un ancien détenu, Désigné coupable se charge de rappeler dans quel abîme tombent parfois les démocraties.
Arrêté fin 2001 par la police mauritanienne alors qu’il assiste à un mariage, transféré en Jordanie puis en Afghanistan, Mohamedou Ould Slahi ne retournera chez lui qu’en octobre 2016, sans jamais avoir été inculpé. En quête d’un impossible aveu, ses geôliers lui imposent d’interminables interrogatoires, avant de passer à la torture. Kevin MacDonald s’essaie à en reproduire les conditions, non sans lourdeur et naïveté : musique assourdissante, lumières stroboscopiques, perte de repères, humiliations sexuelles, violences physiques et morales… Mais l’intérêt du film se situe ailleurs, tenant davantage à sa dimension judiciaire.
La rage de survivre
Prenant en écharpe les séquences de prison, un montage parallèle présente le travail de l’avocate Nancy Hollander (Jodie Foster) qui défend Ould Slahi (Tahar Rahim), et celui du procureur Stuart Couch (Benedict Cumberbatch), en partie choisi pour son amitié avec l’un des pilotes tués dans les attaques contre le World Trade Center. Plutôt qu’une confrontation, le film organise ainsi la convergence de ces deux idéalistes. Ce n’est toutefois pas sur le rétablissement de la justice que Désigné coupable s’achève, pas même sur la reconnaissance d’un “dysfonctionnement”, mais sur le mélange de foi et de courage dont aura fait preuve le Mauritanien. Le récit ne vise pas à “blanchir” la démocratie américaine, mais à rendre hommage à un survivant – et un témoin capital.
De Kevin MacDonald, avec Tahar Rahim, Jodie Foster, Shailene Woodley, Benedict Cumberbatch… Sortie le 14.07