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L'échappée belle

Mustang © Marie Planeille

En selle et contre tous ? Il y a un peu de ça chez Mustang, et c’est tant mieux. Sept ans après Écran total et une tournée anglaise avec (excusez du peu) Blondie, l’inclassable trio auvergnat est de retour avec un quatrième album. Marqué par des textes incisifs et des mélodies “krautabilly” comme ils disent, Memento Mori dénote dans un paysage musical français souvent trop lisse. Rencontre avec Jean Felzine, leader gominé de la bande qui a toujours la banane.

Comment le groupe est-il né ? Johan Gentile, le bassiste, Rémi Faure l’ancien batteur et moi étions dans la même classe en seconde, en 2003. De fil en aiguille, on s’est fait remarquer par la Coopérative de Mai qui est la grande salle de Clermont-Ferrand lors d’une soirée en hommage au Velvet Underground, invitant des groupes locaux à reprendre leurs morceaux. On a tapé dans l’œil des organisateurs et ils nous ont dirigés vers un label parisien, A*Rag Records, où on a réalisé notre premier album. En indé, je précise.

Pourquoi ce nom, Mustang ? C’est un classique des Shadows qui a pas mal influencé ma façon de jouer de la guitare. En fait, c’est un de nos anciens guitaristes qui nous a baptisés comme ça. Lui est parti mais le nom est resté. Honnêtement je le trouve un peu cliché mais bon, c’est pas plus con que Nirvana !

Cela fait sept ans que Mustang n’a pas sorti d’album, pourquoi avoir attendu si longtemps ? On a quand même publié un EP en 2017, Karaboudjan, contenant notamment le titre Salauds de pauvres. J’ai aussi sorti un album avec Jo Wedin et un autre en solo, avant une compilation de lives enregistrés en Angleterre durant notre tournée avec Blondie.

Justement, comment cette tournée a-t-elle vu le jour ? C’est assez dingue quand on y repense… On avait assuré leur première partie à l’Olympia et notre prestation leur avait beaucoup plu, ils nous ont donc proposé de les suivre en Angleterre.

Qu’en retenez-vous ? C’est marrant, mais le premier souvenir que j’en garde est celui de conditions assez spartiates. Le budget était très serré. On ne pouvait pas se permettre l’hôtel tous les soirs donc on dormait à droite et à gauche, dans des Airbnb… Finalement c’était plus sympa, ça nous a permis de voir du pays, de rencontrer des gens. Et puis on a joué dans des lieux vraiment énormes, sans effets de lumière, avec un seul set d’éclairage sur nous, à l’ancienne quoi. C’était très formateur.

Comment Memento Mori est-il né ? J’ai commencé à écrire des chansons pour ce disque dans la foulée d’Écran total. On l’a enregistré pour quelques centaines d’euros, en trois jours avec un ingénieur du son. On a bricolé un peu chez moi aussi, dans mon home studio, sans thunes… Le titre signifie « Souviens- toi que tu vas mourir ». C’est un clin d’œil aux gens qui croyaient qu’on n’existait plus…

Vous chantez aussi, dans cet album, qu’« être loyal et honnête » ne vous a causé « que des soucis ». Pourquoi ça ? C’est un peu autobiographique. Je me suis demandé si continuer ce groupe qui ne rapporte pas d’argent, coûte que coûte, servait encore à quelque chose (rires). D’ailleurs notre tourneur a fait faillite, on se drive tout seul. Si quelqu’un est intéressé, je lance un appel…

Le titre Pôle emploi / Gueule de bois est assez réaliste. Est-ce du vécu ? J’exagère des choses que je vis ou vois. Je suis sobre aujourd’hui, mais j’ai longtemps bu et la gueule de bois était un peu mon permis de ne rien faire… La phrase d’ouverture est une référence aux Soprano et à une scène où l’oncle de Tony lui dit qu’il pète toujours sur le même sofa. Je voulais absolument placer cette citation (rires).

Qui sont ces Fils de machin qui vous agacent tant ? Bah, on les connaît tous, ces gens qu’on voit à la télé ou au cinéma. C’est plutôt le personnage de la chanson qui peste en les retrouvant à Taratata ou aux Césars. Moi je n’ai rien contre eux et je n’aimerais d’ailleurs pas être à leur place.

Pouvez-vous aussi nous parler du clip ? Il a été réalisé par Alex Pilot qui avait fondé la chaîne de télé Nolife, consacrée à la culture japonaise. Il s’avère que c’est un fan absolu de Mustang. Il se chargeait des incrustations dans les clips de J-Pop. Ici, ça devient une référence aux robinets à clips comme MTV qu’on regardait mômes, avec tous ces messages qui défilent.

Comment votre musique a-t-elle évolué au fil des ans ? Vous parlez de « krautabilly », mix de krautrock et de rockabilly… Au départ c’était une blague, mais finalement ça nous définit assez bien. Le public a parfois l’impression qu’on a changé de cap, en réalité on a toujours produit la même musique, simplement on réussit plus ou moins bien notre coup. Notre premier album comptait déjà une reprise d’Aphex Twin. On a toujours eu ce goût pour les synthés, tendance allemande tout de même (rires), des sons comme ceux de Suicide et le rock des années 1950. On essaie juste de mélanger tout ça.

L’autre grande particularité de Mustang, ce sont les textes, plutôt tranchants. Qu’est-ce qui vous inspire ? Je n’ai pas vraiment de grandes influences françaises, si ce n’est Jean- Luc Le Ténia ou Brigitte Fontaine, une de mes autrices préférées. J’adore quand elle lance « je suis vieille et je vous encule ». Sinon, je regarde beaucoup plus du côté des Américains, comme Lou Reed et pas mal de chanteurs de country, à l’image de Hank Williams dont on a traduit ici Maison sur la colline. De manière générale je préfère les chansons réalistes, j’ai d’ailleurs écouté pas mal de rap à une époque. J’aime les textes assez directs. Plus ça va et moins j’apprécie les afféteries littéraires, les styles sophistiqués, les allitérations…

Mustang est un groupe important du rock français et pourtant vous restez assez discrets. Comment l’expliquez-vous ? Nous n’avons jamais eu de grands succès commerciaux, mais ce relatif insuccès nous a permis de durer car on s’est toujours sentis comme des challengers, et ça c’est très stimulant. On a perpétuellement envie de prouver qu’on est capables. Ce serait présomptueux de dire que notre musique est trop exigeante. Peut-être qu’on ne vend pas assez de joie ou de rêve, mais ça ne m’intéresse pas de faire rêver les gens…

Qu’écoutez-vous en ce moment ? Paradigmes, de La Femme. A deux pôles du spectre musical, on est assez libres tous les deux, d’ailleurs on a souvent tourné ensemble au début des années 2010. J’aime aussi beaucoup Alex Cameron, son premier disque était très malin et j’ai adoré la chanson titre de son dernier album, Miami Memory, même si je n’accroche pas trop au reste. Sinon, j’ai toujours mes vieilles marottes : Marvin Gaye, de la country ou les musiques de jeux vidéo.

Des musiques de jeux vidéo ? Oui, elles sont très importantes dans l’histoire du groupe. On n’est pas issus de familles de musiciens et les jeux vidéo nous ont beaucoup appris sur l’harmonie, la mélodie… Il y a d’ailleurs beaucoup de références à cela dans nos chansons, si vous écoutez bien.

Propos recueillis par Julien Damien // Photo : Marie Planeille
Concert(s)
Mustang
Lesquin, Centre Culturel de Lesquin
30.09.2021 à 20h0015/9€
MUSTANG + MAXWELL FARRINGTON & LE SUPERHOMARD
Béthune, Le Poche
01.10.2021 à 20h3012/10€

À ÉCOUTER / Memento Mori (Close Harmonie / Prestige Mondial)

Memento Mori © David Simonetta

Memento Mori © David Simonetta

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