Home Exposition Les Tables du pouvoir

La culture par le menu

Vue d’exposition, Service du Roi d’Angleterre George III © Julien Damien

À l’heure où les musées et les restaurants rouvrent leurs portes, le Louvre-Lens fait coup double. De la Mésopotamie à l’Élysée, cette exposition retrace 5000 ans d’histoire des arts de la table. Riche de près de 400 œuvres, entre vaisselle, peintures, sculptures ou pièces d’orfèvrerie, le parcours décrypte les liens entre le repas et le pouvoir, tout en éclairant nos comportements actuels, fruits d’un héritage séculaire et assez méconnu.

Zeev Gourarier n’aime rien tant que mêler la grande histoire à la petite, l’intime et l’universel. « Nous savons des tas de choses pas forcément utiles comme la bataille de Marignan en 1515, mais ignorons tout des gestes du quotidien, remarque le commissaire. Pourtant, nous dressons tous les jours la table, les couverts… pourquoi ? ». Voilà une bonne occasion de le découvrir mais, d’abord, lavons nous les mains ! « Connue depuis au moins l’Antiquité cette pratique reste, avec la prière, l’une des plus anciennes liées au repas, mais pas n’a pas toujours eu la même fonction ». Avant d’être hygiénique, l’acte couve une symbolique purificatrice, offrant quelques chefs-d’œuvre d’orfèvrerie, à l’image de cette Aiguière Klagmann datant de 1856, tout en argent ciselé et servant à verser l’eau.

Articulé en cinq chapitres, ce récit débute par la naissance du protocole, il y a 3000 avant notre ère. Ce vase d’Ourouk découvert en Mésopotamie décrit ainsi « le tout premier repas d’État jamais organisé », selon Hélène Bouillon, conservatrice du patrimoine. En l’occurrence, le roi reçoit une divinité. Comme on le découvre sur des bas-reliefs ou vases antédiluviens, les agapes sont surtout une démonstration de puissance. Dominer la table, c’est dominer le monde et, parfois, on mange devant la tête coupée de son ennemi. Ça ne rigole pas… « Les tables du pouvoirs sont écartelées entre la rigueur du protocole et la convivialité », résume Zeev Gourarier. En somme, dis-moi dans quelle société tu vis et je te dirai comment on se tient.

Vue d’exposition, Silène au canthare © Julien Damien

Vue d’exposition, Silène au canthare © Julien Damien

Croire ou mourir

La salle suivante, sans conteste le point d’orgue de cette sublime scénographie, nous familiarise avec l’Antiquité grecque. Ici, conformément au système démocratique, chacun est allongé au même niveau sur des banquettes appelées “klinai” – enfin, on restait entre hommes… D’ailleurs, le visiteur peut lui aussi s’y étendre à sa guise pour revivre ce “symposion”. Durant le Moyen Âge, le suzerain regagne le centre de l’attention. Installé sur le “haut bout de la table”, il contemple un « joyeux foutoir » où ses ouailles ripaillent avec les mains tandis que son tranchoir à viande et autres ustensiles sont conservés dans la nef de table, s’apparentant à un navire. Celle-ci est surtout bien couverte histoire d’éviter l’empoisonnement (d’où le terme, “les couverts”). On remarque aussi un objet exceptionnel : le languier, soit une pièce d’orfèvrerie en forme de buisson où étaient suspendues dents de requin ou langues de serpent auxquelles on prêtait le pouvoir de détecter les poisons. Celui-ci était rangé dans un meuble particulier : la crédence, signifiant “j’y crois”.

Le banquet couché des citoyens grecs © Louvre-Lens / DR

Le banquet couché des citoyens grecs © Louvre-Lens / DR

Service gagnant

Le cérémonial atteint son apogée avec Louis XIV et son Grand Couvert, donné en public, puis devient plus intime chez Louis XV – qui préparait lui-même son chocolat. On se concentre un peu plus sur ce qu’il y a dans l’assiette, c’est la naissance de la gastronomie. On rejoint ensuite la table de Georges III, reconstituée à l’identique, dans sa parfaite symétrie, sur sept mètres de long. On découvre aussi le service à la russe qui, trois siècles plus tard, continue de nous mettre à l’épreuve durant chaque banquet de mariage (mais bon dieu, quel est le verre à vin ? À eau ? La fourchette est-elle à gauche ou à droite ?) avant de s’imaginer dans la salle des fêtes de l’Élysée et ses grands services sur-mesure. Parmi eux celui du Millénaire, créé par Philippe Favier, complété d’un surtout de table sculpté par Jaume Plensa et constitué de 48 sphères reliées par des fils dorés, évoquant autant de constellations. On sait recevoir, sous les ors de la République…

Julien Damien // Photos : Julien Damien, Gérard Blot, Tony Querrec
Informations
Lens, Louvre-Lens

Site internet : http://www.louvrelens.fr/

Galerie du temps et Pavillon de verre :
Entrée libre et gratuite

Galerie d’expositions temporaires :
Tarif plein : 10€ / 18 – 25 ans : 5€ / – 18 ans : gratuit

Le musée est ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h (dernier accès et fermeture des caisses à 17h15).

Fermé les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre.

31.03.2021>26.07.2021lun, mer, jeu & ven : 12h30-18h, sam & dim : 10h-18h, 10>5€ (gratuit -18 ans)
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