Home Best of Chroniques 143 rue du désert

Station spéciale

© Meteore Films

Reliant Alger à la frontière avec le Niger, la Route nationale 1 sillonne l’Algérie sur plus de 2 000 kilomètres. Hassen Ferhani a posé sa caméra dans la taverne de Malika, en plein milieu du désert, où elle accueille, ici pour une cigarette, là un café, des routiers ou des êtres en errance. Émouvant portrait de femme, ce documentaire se fait aussi la chambre d’écho d’un pays tiraillé.

Deux pièces d’un bleu fatigué, quelques ouvertures, moins des portes et des fenêtres que des trous laissant passer la nourriture, l’argent et le regard. Voici le décor exclusif de ce beau film, confirmant après Dans ma tête un rond-point, documentaire consacré aux abattoirs d’Alger (2016), le sens du lieu de l’Algérien Hassen Ferhani. À l’image de Malika, le cinéaste est à l’affût. Tout à la fois visiteur et hôte, il accueille au fil des scènes des bribes d’existence, des chants et des danses, des apparitions parfois plus énigmatiques. Rien ne l’intéresse plus que la façon dont les murs abritent histoires, anecdotes et éclats poétiques, accompagnant la rumeur de la société algérienne.

Femme libérée

Mais Ferhani trouve aussi en Malika une figure singulière. Femme âgée au passé nébuleux, tenancière rendue inquiète par l’ouverture prochaine d’une station-service, celle-ci tient également de la sainte et de la pythie. Elle conforte son caractère indépendant par un goût aigu de la conversation, si bien qu’en elle vibre une solitude très peuplée. Cela n’empêche pas l’épuisement de guetter. Mais, pour quelques instants, dans sa modeste taverne, la parole retrouve des couleurs, redonnant à ceux qui la portent ou l’entendent un peu de force pour continuer. Au 143 rue du désert se loge une oasis.

Raphaël Nieuwjaer

Documentaire d’Hassen Ferhani. Sortie 16.06


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