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Chaos debout

©Hervé Goluza

Depuis son premier solo, La Mort et l’extase en 2012, Tatiana Julien secoue les plateaux et ne cesse de questionner le rôle de l’artiste au sein de la société. Qu’elle soit seule en scène (Soulèvement) ou orchestre une dernière danse avant la fin d’un monde (AFTER), la chorégraphe picarde dépeint une civilisation au bord de l’effondrement, pour mieux rêver celle de demain.

En ce mois d’octobre 2020, à Roubaix, Tatiana Julien est sur tous les fronts. Le soir-même, elle s’apprête à danser Soulèvement, dont la tournée a été interrompue en mars. En même temps, elle peaufine la présentation d’AFTER, pièce attendue au Phénix de Valenciennes lors de la prochaine saison et qu’elle chorégraphie pour huit interprètes. En prise avec notre actualité, mais pensé bien avant la crise du Covid, le spectacle esquisse à même les corps l’idée d’un autre monde. En cela le virage sanitaire n’est pas évident à négocier. « Les contraintes liées au toucher, à la mise à distance du public sont très rudes. On a dû changer nos plans mais je combats l’idée de livrer un spectacle uniquement “corona- compatible”, car c’est la liberté même qui est en jeu ». La résistance est en effet au cœur de son travail.

Le sens du combat

Avec Soulèvement, Tatiana Julien livre un solo insurrectionnel mêlant discours de Malraux ou Camus à des sons de manifestations. La réflexion politique est d’ailleurs soutenue par un engagement physique total, articulant des gestes typiques du jeu vidéo Fortnite à des danses de club. « J’avais envie de représenter un corps écrasé sous un poids, mais avançant malgré tout ».

SOULÈVEMENT [teaser] from C’Interscribo | Tatiana Julien on Vimeo.

AFTER se situe dans la continuité, répondant à d’autres enjeux sociétaux, notamment écologiques. « Que peut la danse face à la perspective de l’effondrement ? Si elle ne sauvera pas le monde, elle pose une alternative : celle du soin, de l’être-ensemble… un certain retour à l’essentiel ». On découvre cette fois un décor post-apocalyptique, aux allures de fin de rave. « C’est un terrain hostile qu’il faut escalader, déblayer… Les danseurs en constante métamorphose oscillent entre différents états : de la jouissance à l’oisiveté, de la contemplation à l’animalité ». Le fameux “monde d’après” l’aurait-il influencée ? La réponse est nette : « Dans la réalité rien ne change. Ce contexte liberticide complique surtout notre capacité à penser un avenir différent ». Rêver, résister… le travail de Tatiana Julien ne fait que commencer !

 

Marie Pons
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