Home Reportage Vagina Museum

Intimes convictions

(c) Elisabeth Blanchet

Le féminisme c’est 365 jours par an ! Difficile de croire que l’égalité entre hommes et femmes se soit désormais imposée partout.
Des combats restent à mener, mais comment porter la parole féministe ? On se souvient des militantes du Vagina Museum (LM n° 158 – janvier 2020).

A Londres, au coeur du légendaire marché de Camden, se trouve un musée unique au monde. Pour cause, celui-ci est dédié à un organe souffrant d’innombrables mythes et tabous : le vagin. “Si vous utilisez un tampon, vous perdez votre virginité”, “les règles sont sales”… C’est pour démonter ce genre de fadaises et autres idées reçues que le Vagina Museum a vu le jour, en novembre 2020. Entre panneaux explicatifs et oeuvres explicites, ce parcours n’a rien de grivois ni du cabinet de curiosités, mais poursuit avant tout un objectif pédagogique. Petite balade gynécologique.

Visiteurs en quête d’un sexshop intello, passez votre chemin. Rien d’affriolant comme à Soho ici. Sobre, en noir et blanc, l’enseigne du musée du vagin ressemble à celles des magasins de design ou de fringues du quartier. Autrefois squatté par les punks et les vendeurs à la sauvette, Camden Market figure désormais dans le top 10 des attractions touristiques, grâce à ses nouvelles échoppes aseptisées… étrange d’y trouver cette institution éducative. Saison festive oblige, elle arbore toutefois son sapin branché “vagin” : les boules de Noël sont remplacées par des serviettes hygiéniques et tampons usagés. Imitations ou pas, le public garde ses distances…

© Elisabeth Blanchet

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Mauvaise réputation

La toute première exposition temporaire (et gratuite) du Vagina Museum s’intitule Muff Busters, en référence aux fameux chasseurs de fantômes. Sauf que “muff” signifie “vulve” en argot anglais. On l’aura compris, il s’agit de combattre les préjugés relatifs au sexe féminin, notamment à travers des panneaux informatifs. Chacun rapporte d’abord un mythe sans détour. Exemple : le vagin, ça pue. Avant de rétablir la vérité : non, comme dirait l’autre, ce n’est pas sale. Plus fort, ça s’auto-nettoie ! Les produits d’hygiène féminine, dont le marché global affichait plus de 21 milliards en 2018, sont donc inutiles ! Autre ânerie : le Coca-Cola serait un bon spermicide… Evidemment, cette pratique n’a aucune vertu – si ce n’est de rendre son intimité plus pétillante.Au milieu des panneaux un poil austères, une oeuvre d’art flashy réalisée par l’artiste Sam Dawood attire notre regard. « On dirait une fusée », s’exclame Sean, Britannique quadragénaire. Il s’approche et se rend vite compte de son erreur. « Ah non, c’est un tampon géant usagé », rectifie-t-il, s’attardant ensuite devant une autre pièce, en 3D. A travers des vitres, celle-ci offre une vision en profondeur des organes génitaux féminins. Un brin frustré par la notice “Ne pas toucher”, il aurait préféré une installation interactive, sourit-il.

Santé publique

Comme la majorité de ses compatriotes, Sean a le sens de l’humour. Florence Schechter, la jeune fondatrice du Vagina Museum, n’a visiblement pas choisi cette qualité anglaise comme axe de développement. De fait, l’endroit n’a pas pour vocation d’amuser, mais d’éduquer. « J’ai découvert qu’il existait un musée du pénis en Islande mais aucun équivalent féminin. J’ai trouvé cela injuste, expliquait la vulgarisatrice scientifique au Sun. D’autant que le vagin est toujours stigmatisé, les gens le décrivent comme sale et laid. Cela empêche les femmes d’évoquer leurs problèmes gynécologiques à leur médecin voire de subir un frottis. Certaines meurent littéralement de cette honte, des maladies comme le cancer du col de l’utérus n’étant pas dépistées assez tôt ». En 2017, Florence lançait donc l’idée d’un musée du vagin et, d’événements pop-up en expos temporaires, levait plus de 60 000 euros pour créer cette institution. Son but ? Bannir l’ignorance associée aux parties génitales des filles. Le message semble porter ses fruits.

© Elisabeth Blanchet

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Arrêt sur images

« J’ai trouvé ça chouette et instructif », constate Liva, une touriste américaine de passage entre deux séquences shopping. Son ami Saul est plus sceptique : « Je ne vois pas pourquoi on fait tout un plat du vagin. Et le pénis alors ? C’est un organe plus complexe qu’on le croit. La sexualité c’est un tout ». Il suggère d’ailleurs d’ouvrir un musée consacré à l’organe masculin juste à côté, ne connaissant visiblement pas celui de Reykjavik, où posent fièrement les phallus de tous les mammifères d’Islande ! Les jeunes Yankees finissent leur visite en plaisantant devant les objets de la boutique. Liva hésite entre les “mugs vagin” et les boucles d’oreilles en forme de vulve réalisées au crochet par Florence Schechter elle-même !

© Elisabeth Blanchet

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En pleine ère MeToo, le Vagina Museum arrive à point nommé. Au-delà de sa fonction éducative, il s’affiche comme une plateforme d’expression et de réflexion pour les féministes et communautés LGBTQIA. « Disposer de son corps devrait être l’un des principes du féminisme moderne. Cela suppose le droit de choisir son propre genre », précise Florence. Sean regrette d’ailleurs de n’avoir été informé plus tôt, lorsqu’il était ado : « chaque capitale devrait avoir son musée du vagin, surtout là où les droits des femmes sont bafoués ». Il admet toutefois, le sourire aux lèvres, que des photographies ou films couronneraient cette visite… « Mais bon, j’imagine qu’il y aurait un problème de limite d’âge ». Blague à part, un sentiment de frustration est palpable à la sortie, avec l’envie d’en découvrir plus.

 

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Elisabeth Blanchet

A visiter / Londres, Unit 17&18 Stables Market, Chalk Farm Road lun > sam : 10 h-18 h • dim : 11 h-18 h, gratuit, www.vaginamuseum.co.uk

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