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Une église sans Dieu

The Sunday Assembly, Sanderson Jones © Elisabeth Blanchet

Dimanche matin, 11h. L’heure de la messe. Des souvenirs mitigés reviennent à la mémoire de ceux qu’on a forcés à aller à l’église. On va encore se geler, se planter avec les gestes rituels, lutter contre les fous rires, se moquer des enfants de choeur… La liste est longue mais ne correspond pas du tout à ce qui attend le « paroissien » de la Sunday Assembly. Rendez-vous sur le banc d’une chapelle pas comme les autres.

D’abord, ce n’est pas une église mais une salle de spectacle : le Conway Hall (une organisation membre de « l’union internationale humaniste et éthique », NDLR), en plein centre de Londres. Ensuite, il n’y a pas de Dieu, pas de prêtre, et aucun pré-requis. On est tous les bienvenus. Il y a même un coin enfants. Et c’est gratuit.

Toutes les deux semaines, Sanderson Jones et Pippa Evans dispensent un show très spécial. Chaque Sunday Assembly a son thème, ses intervenants. Aujourd’hui, elle est dédiée à la Première Guerre mondiale. On commence en chanson : It’s a long way to Tipperary, un standard du music-hall écrit en 1912. La salle pleine à craquer la reprend en choeur tandis que Pippa mène la danse. Cela nous rappelle certaines images d’église américaine. Ensuite, Sanderson prend la parole. Avec son allure de jeune Jarvis Cocker chevelu, ses talents de comédien (il vient, comme Pippa, du milieu du spectacle), il captive la foule. Il parle de tous ces hommes morts au combat. Pour qui, pourquoi ? Son discours touchant fait réfléchir tout comme celui de Deborah Lavin, historienne, qui qualifie la guerre de 14-18 de crime légalisé. « Nous sommes les petits-enfants, les arrière-petits enfants des survivants. Et nous sommes là pour célébrer la vie ! » Telle est la mission de la Sunday Assembly. Son slogan ? « Vivre mieux, aider souvent, se poser plus de questions ».

Tradition populaire

Comment est né ce phénomène ? Tout simplement sur les bancs de l’école primaire britannique. Depuis leur plus jeune âge, les enfants sont habitués aux « assemblies ». Dans chaque établissement, une fois par semaine, on leur réserve un moment pour se retrouver, chanter, préparer des spectacles… La Sunday Assembly en est donc une version dominicale. « On voulait organiser quelque chose de semblable à l’église, en entretenant l’idée d’une communauté, mais sans le discours sacré », explique Sanderson. Leur expérience du spectacle a fait le reste. Et c’est ainsi que la première Sunday Assembly eut lieu un matin de janvier 2013. Depuis, elle sévit un dimanche sur deux et grandit de manière exponentielle. Tandis que les religions traditionnelles chrétiennes bataillent pour recruter, cette « Église sans dieu » a inspiré 27 congrégations réparties sur plusieurs continents. La plupart se trouve dans les pays anglosaxons, probablement parce que le mouvement est né dans le berceau de l’Église anglicane, et qu’il lui emprunte ses codes. Cela dit on en trouve aussi une en France, en Belgique ou en Allemagne.

De la suite dans les idées

Peut-on craindre un virage sectaire ? « Ce n’est pas parce que quelqu’un prend la tête d’une congrégation qu’il devient pour autant un gourou du jour au lendemain ! Regardez les groupes de boy scouts, surenchérit Sanderson. Mais au cas où, on est en train de mettre des systèmes d’accréditation des leaders pour éviter le risque… » Et maintenant ? « Vous m’auriez posé la question il y a un an, je n’aurais jamais pensé qu’on en serait là ! En tout cas, notre projet a du sens à l’heure où les visions du futur sont si déprimantes ».

C’est sur les paroles de Zombie des Cranberries que la cérémonie se termine. Ces drôles de « paroissiens » achèvent leur communion dans le chant, contre l’horreur de la guerre. Puis vient le temps du silence, du recueillement. à la sortie de la messe, Marie, 22 ans, confie : « Je viens ici depuis l’été dernier. Depuis je ne rate pas un office. Je ne suis plus croyante, mais l’atmosphère, les rituels de l’église et l’esprit de groupe me manquaient un peu ». Grâce à la Sunday Assembly, elle s’est fait des amis et avoue ne jamais manquer les festivités qui suivent chaque messe : le pub du dimanche midi en guise de vêpres !

 

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Texte & Photos Elisabeth Blanchet

à visiter : sundayassembly.com

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