Home Exposition Hyperrealism Sculpture

Humain, trop humain

©Sam Jinks, Courtesy of the artist, Sullivan+Strumpf, Sydney and Institute for Cultural Exchange, Tübingen

Pour la première fois depuis son ouverture en 2016, La Boverie de Liège consacre l’intégralité de son espace principal à une exposition de sculptures. Pas des moindres. Hyperrealism Sculpture dévoile des œuvres imitant à la (quasi) perfection le corps humain. Dérangeantes, amusantes, intrigantes ou touchantes, ces pièces interrogent notre bonne vieille enveloppe charnelle. A l’heure où le souci de soi et de l’apparence n’a jamais été aussi prégnant, ce parcours titille les neurones. Être ou ne pas être…

Ici, un homme surgissant du sol. Là, une femme qu’on croirait endormie dans un drap rouge. Aucun risque de la réveiller, elle est parfaitement factice… Bienvenue dans Hyperrealism Sculpture, ou “Sculpture Hyperréaliste” pour les cancres en anglais. De quoi s’agit-il ? « Le terme fut inventé par le galeriste belge Isy Brachot dans les années 1970, explique Benoît Remiche, fondateur de Tempora, l’agence organisatrice. Ce courant marque la volonté d’un retour au figuratif, quand la tendance était à l’expressionnisme abstrait ». Ce besoin de saisir le réel n’est pas nouveau, « il est aussi vieux que l’histoire de l’art ». Mais reste paradoxal : « plus on s’en approche, plus il nous échappe ». Dans la continuité de la statuaire classique, la sculpture hyperréaliste se distingue néanmoins par un recours aux techniques modernes, comme l’utilisation du silicone, offrant un niveau de mimétisme inégalé.

L’être et le géant
L’exposition, découpée en six sections thématiques, ausculte la représentation du corps à différentes époques. Les pionniers du mouvement visaient l’imitation la plus fidèle possible, à l’instar de l’Américain Duane Hanson qui réalise des statues d’ouvriers pour les « faire entrer dans les musées ». On le découvre tout au long de ce parcours, ces artistes jouent aussi avec les rapports d’échelle. Certaines pièces sont ainsi totalement disproportionnées, comme ce nouveau-né de cinq mètres de long et d’un autre de large, signé de l’Australien Ron Mueck. « Lorsque vous sur-dimensionnez un bébé supposé être mignon, doit-on parler de monstre ou d’être en devenir ? ». Selon Marcel Duchamp, « c’est le regardeur qui fait l’oeuvre ». Vous voilà donc seul juge.

Mise à nu
On le voit, le corps n’a pas fini de poser question. « Nous vivons un moment de civilisation où il n’a jamais été aussi important, poursuit Benoît Remiche. On s’interroge ici sur la manière dont on le donne à voir, le peaufine… ». La manipulation génétique et la réalité virtuelle ont ainsi poussé certains à repenser notre enveloppe charnelle, telle l’Australienne Patricia Piccini, qui a conçu un bambin-mutant totalement difforme, avec sa trompe et ses membres tentaculaires (Newborn). Histoire de brouiller un peu plus la frontière entre fiction et réalité, La Boverie a récemment accueilli des visiteurs naturistes, afin de se comparer aux statues. Il était parfois difficile de distinguer le vrai du faux… Pour sûr, cette exposition ne nous laisse pas de marbre.

A LIRE : L’INTERVIEW DE BENOÎT REMICHE

Tanguy Croq
Informations
Liège, La Boverie
22.11.2019>03.05.2020mar > ven : 9h30 > 18h, sam/dim : 10 > 18h, 15 > 6€ (gratuit -6ans)
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