Outwitting the Devil
Conte défait
Akram Khan a toujours aimé raconter, ou plutôt danser des histoires. On se souvient de Desh, solo émouvant narrant son épopée entre le Bangladesh, son pays d’origine, et la Grande-Bretagne où il vit. Citons aussi le lumineux Bahok, ode musicale à la migration. Mais Outwitting the Devil n’a cette fois rien d’un conte de fées. Dans sa dernière création, le chorégraphe met en scène sa vision de l’apocalypse.
Un homme surgit des ténèbres, le torse nu et décharné. Dans ses mains, il porte un morceau de terre brûlée, l’air horrifié. D’emblée, le ton est donné. Nous voilà en plein chaos. Durant un peu plus d’une heure, sur une bande-son électronique angoissante, six danseurs des deux sexes, jeunes et vieux se (dé)battent. Ils se contorsionnent sur une scène en clair-obscur, entourée de briques calcinées, évoquant un monde désormais en cendres… On l’aura compris, Akram Khan livre ici une fable sombre sur le désastre écologique à venir.
L’enfer sur Terre
Ce maître du kathak, danse traditionnelle indienne qu’il croise à l’envi avec des influences contemporaines, marie les genres comme personne. Pour créer Outwitting the Devil (“tromper le diable”), le Londonien s’est inspiré de L’Épopée de Gilgamesh, l’un des plus célèbres textes de la littérature mésopotamienne – donc l’un des plus anciens de notre histoire. Plus précisément, il a puisé sa matière dans une tablette en argile retrouvée en Irak en 2011. Ce récit jusque-là inédit relate le combat entre deux demi-dieux, brûlant dans leur lutte, par ignorance, la plus belle forêt de cèdres du royaume. L’allégorie est puissante. Prémonitoire ? C’est en tout cas pour éveiller les consciences qu’Akram Khan a imaginé sa pièce. Et celle-ci a la beauté du Diable.