Home Cinéma Chanson douce

Affaire de nurse

© Studio Canal, Jean-Claude Lother

Récit glaçant de l’assassinat de deux enfants par leur nourrice, Chanson douce est l’adaptation du second roman éponyme de Leïla Slimani. Prix Goncourt en 2016, le livre est lui-même tiré d’un fait divers qui a secoué les Etats-Unis en 2012. Lucie Borleteau en tire un drame social haletant et offre un rôle de choix à Karin Viard, troublante en nurse tueuse.

Myriam et Paul, couple trentenaire parisien dans le vent, ont deux bambins. Lorsque Myriam reprend sa carrière d’avocate, ils recrutent Louise. Cette super nanny devance les désirs des parents tout en imposant ses règles, s’immisçant toujours plus loin dans leur intimité. Jusqu’au point de non-retour… Lucie Borleteau a su traduire en plans éloquents l’écriture clinique de Leïla Slimani. L’intelligence du montage tient en haleine (situations-miroirs, l’élément eau en filigrane) avec en prime quelques citations : Shining pour la folie domestique ou Tully côté burn-out parental. Le fantastique rôde derrière cette réalisation tout en sobriété, évitant l’écueil du thriller connoté. Le sourire carnassier, Karin Viard souligne le rôle glauque de la nounou psychorigide et borderline. Sa silhouette désuète évoque Vivian Maier (photographe culte et nourrice maltraitante…). Ici, Louise est avant tout une femme à la dérive, torturée sous ses dehors parfaits, devenant une Médée par procuration. Sur fond de lutte des classes (pensons aux soeurs Papin), cette tragédie interroge le vivre-ensemble à travers ce couple aisé qui n’assume pas sa fonction d’employeur, et s’enlise dans le déni…

Selina Aït Karroum

De Lucie Borleteau, avec Karin Viard, Leïla Bekhti, Antoine Reinartz… En salle

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