Home Cinéma La Cordillère des songes

Dans les replis du temps

© Pyramide Distribution

Coincé entre le Pacifique et la cordillère des Andes, le Chili moderne a tourné le dos à ses montagnes comme à son passé. C’est donc là, au milieu des sommets arrondis par la neige et des versants acérés, que Patricio Guzmán poursuit son travail de mémoire.

Quasiment née de l’enthousiasme suscité par l’élection de Salvador Allende, l’oeuvre de Patricio Guzmán explore depuis le coup d’état de Pinochet tous les reliefs de la mémoire. Brûlante, lorsqu’il s’agissait encore de porter haut l’idéal socialiste (La Bataille du Chili, 1973), elle traduit une fidélité blessée lors de la transition démocratique. Celle-ci devait en effet se solder par l’oblitération des crimes de la dictature (Chili, la mémoire obstinée, 1997). Avec Nostalgie de la lumière (2010) puis Le Bouton de nacre (2015), la mémoire revient de façon plus métaphorique et “élémentaire”. C’est en effet dans la lumière des astres, les tourbillons de l’eau et désormais la puissance des montagnes que le Sud-Américain cherche les empreintes du passé. Porté par la voix du cinéaste, ce documentaire s’appuie aussi sur les paroles d’artistes chiliens. La cordillère y est décrite à la fois comme une protection et un mur isolant le pays du reste du monde. En accueillant les images de Pablo Salas, qui a filmé l’opposition à Pinochet et accompagne toujours les mouvements sociaux, Guzmán mêle évocation et enquête. In fine, il livre un amer constat : si la dictature a disparu, sa structure inégalitaire, renforcée par un traitement de choc néolibéral, n’en finit pas de se perpétuer.

Raphaël Nieuwjaer

Documentaire de Patricio Guzmán. En salle

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