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Une affaire de famille

© Studio Canal

Deux ans après le succès du Brio, Yvan Attal porte Mon chien Stupide sur grand écran. Adapté du roman aux accents autobiographiques de l’Américain John Fante, le film troque la Californie des années 1960 pour la Côte Basque française, de nos jours. Pour le reste, l’histoire est la même. Henri, romancier cinquantenaire au talent déclinant, rend sa femme et ses quatre enfants responsables de ses échecs et de l’effondrement de sa libido. Un jour, un canidé monstrueux décide de s’installer dans cette maison, pour le bonheur d’Henri mais au grand dam de sa famille… à nouveau devant et derrière la caméra, le réalisateur de Ma Femme est une actrice signe là une comédie… qui a du chien !

Portiez-vous ce film depuis longtemps ? On me l’a proposé juste après Ma Femme est une actrice. Claude Berri avait les droits et voulait le tourner en anglais, n’imaginant pas l’adaptation en France. J’ai lu le livre mais j’étais passé à côté, n’ayant pas vécu tant d’années en couple et avec des gosses. Mais 20 ans plus tard, en vacances, je m’y suis replongé car c’était l’un des bouquins préférés de mon fils. Je me suis alors identifié au héros, j’y ai reconnu ma famille… Le projet est né à ce moment-là.

Comment le présenteriez-vous ? Cette histoire comporte deux tonalités. Au départ, il s’agit d’une comédie jouant avec ce chien obsédé et puant qui inspire des échanges cyniques entre le père et les membres de sa famille. Puis cela tourne à la tragédie. On découvre la mélancolie d’Henri, sa carapace se brise. Il s’enfonce et l’on rit de moins en moins. Ses enfants se tirent et ça le fait souffrir. Cette partie est la plus intéressante.

Comment l’avez-vous adapté ? Je reste assez fidèle au livre. Mais, Mon chien Stupide appartient à une autre époque, celle de l’Amérique des années 1960. Fante en profite d’ailleurs pour glisser une critique assez acerbe des États-Unis. Du coup, j’ai inventé ou modifié des scènes, transposant le récit en France. Il me fallait aussi raconter une autre histoire avec Charlotte, qui incarne l’épouse du narrateur. Dans le livre, elle est reléguée au second plan et réduite à une femme raciste. Au final, j’ai vu le film avec la famille Fante en Italie, et elle était enchantée. Ses enfants ont jugé très réussie la première adaptation de cet ouvrage, respectueuse de l’esprit de leur père.

Partagez-vous les névroses d’Henri ? On a la cinquantaine tous les deux et on se pose les mêmes questions, sur ces voitures qu’on ne conduira plus, ces filles qu’on ne baisera plus… Bref, on se demande si on a assez vécu et ce qu’il reste à accomplir. J’ai fondé une famille, mais j’imagine parfois que la vie serait mieux sans elle. Quand vous avez des gosses, vous les engagez dans tous vos choix, volontairement ou pas. Il m’est arrivé de refuser certains trucs pour eux, le film Taxi par exemple. Ironiquement, des années après, votre fils vous tanne pour voir Taxi 2 au cinéma (rires).

Était-ce une évidence de jouer avec Charlotte et votre fils ? C’est un film sur la famille, ma femme devait donc en être. Si elle avait refusé, je l’aurais suivie. Pour mon fils, c’est une forme d’hommage car je lui dois la redécouverte du livre. Et puis je sentais qu’il voulait être acteur, mais n’osait pas en parler. Surtout, il cumule les points communs avec son personnage (rires). Au début, ça m’angoissait de jouer avec lui. Mais cela reste une expérience extraordinaire, j’ai découvert qu’il pouvait se lever le matin (rires). Il est très doué, je l’avais déjà remarqué quand il me donnait la réplique à la maison.

Pourquoi conjuguez-vous si souvent vie privée et fiction ? Je joue avec cette mise en abyme. Cela m’amuse de faire croire que ma vie est identique. Il m’importe aussi d’être politiquement incorrect, d’oser dire que mes enfants me font chier. On les aime mais parfois on les déteste. En tout cas, eux vous détestent à certains moments mais c’est normal, l’émancipation…

Mon chien Stupide ne conclue-t-il pas un triptyque (avec Ma Femme est une actrice et Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants…) ? Je suis d’accord. Le livre de Fante observe le couple, la famille et le temps qui passe. J’ai entrevu la possibilité de boucler quelque chose. Mais il y en aura peut-être un quatrième à l’hospice, où j’apporterais des chocolats à ma femme. Moi, je serais encore vaillant et elle, vieille et malade (rires).

Tanguy Croq

à voir / Mon Chien Stupide D’Yvan Attal, avec lui-même, Charlotte Gainsbourg, Ben Attal, Pascale Arbillot… Sortie le 30.10.

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