Home Best of Interview Monsieur Fraize

Dans son jus

Photo © Boby

Avec son polo rouge impeccablement coincé dans un pantalon ras les chevilles, Monsieur Fraize a tout du second rôle dans une aventure de Boule & Bill. Un personnage empoté, timide et finalement attachant. Passé par le télé-crochet de Ruquier, seul sur scène et au cinéma, Marc Fraize coche chaque jour de nouvelles cases. Il occupe souvent l’espace avec une poignée de mots, mais pour une fois, il nous épargne les silences gênants.

Comment êtes-vous devenu humoriste ? Je suis un parfait autodidacte, j’ai toujours eu envie de faire rire. Dans les années 2000, j’ai lâché mon travail dans l’hôtellerie pour me lancer. J’ai rodé mes sketches partout en France, dans les concours d’humoristes, et ça a tout de suite bien marché. J’ai eu la chance de ne pas galérer sur les scènes parisiennes ou dans les recoins du festival d’Avignon. Quand je suis arrivé à Paris, mon personnage était déjà sculpté.

Comment qualifieriez-vous votre humour ? On peut dire que c’est de l’anti-stand-up. Loin de l’humoriste qui cherche l’efficacité avec un rire toutes les quatre secondes. Celui qui se présente en héros et traite des sujets délicats… Pour moi, la démarche “on s’en fout, rions-en !” ne suffit pas.

Qui est Monsieur Fraize ? Au départ, un personnage parmi d’autres, inspiré de ma propre maladresse et habitant l’un de mes sketches. En 20 ans de théâtre je m’y suis attaché. Je l’ai poli pour créer ce stéréotype du Français moyen influençable, un enfant qui n’aurait pas grandi, maladroit et fragile. Avec ce personnage clownesque je peux tout me permettre, comme garder le silence jusqu’à provoquer le malaise !

Justement, abusez-vous de cette maîtrise du malaise dans la vie quotidienne ? J’avoue en avoir pas mal usé mais m’en sers moins maintenant. Je me repose quand je suis dans le civil ! Mais parfois, j’aime encore partir sans payer avec ma baguette et guetter la réaction de la boulangère – “Ah bon, c’est payant ?”

Photo © Boby

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Croisez-vous souvent des Monsieur Fraize, des personnes “inadaptées” ? On peut même dire que je les attire ! J’ai beaucoup d’affection pour les types qui n’ont pas de bol, les personnes ne cachant pas leur fragilité. De façon générale, je préfère le mec dont la voiture ne démarre pas à celui qui a des jantes en alu.

Quelles sont vos influences ? J’ai d’abord adhéré aux seuls en scène mythiques : Coluche, Desproges, Devos… Puis des comédies de Laurel & Hardy ou Bourvil. Aujourd’hui, je suis moins attiré par les sketches. Il y a dix ans j’étais un peu seul dans mon genre, j’ai alors découvert avec soulagement Andy Kaufman, une sorte de cousin américain. Sauf qu’il poussait plus loin le bouchon : son objectif n’était pas forcément de faire rire les gens mais de les mettre sur le cul.

Peut-on parler d’une famille de l’absurde, comprenant éric Judor ou Quentin Dupieux*? S’il s’agit d’une famille, elle est petite et un peu disloquée. Il y a néanmoins un ADN commun, dans le sens où Dupieux se fiche de savoir s’il plaira, tout comme moi. C’est un humour sans concession, sachant ménager des silences… Mais il n’est pas absurde, c’est la société qui l’est !

Votre personnage a-t-il encore de beaux jours devant lui ? En ce moment je bois du petit lait, j’ai beaucoup de propositions, mais je ne suis pas friand de cinéma. Je préfère de loin être sur scène, seul, que d’attendre huit heures sur un plateau pour tourner 30 minutes… Je privilégie donc le théâtre. Et figurez-vous que Monsieur Fraize a rencontré une Madame Fraize, qui va sans doute lui piquer sa place sur les planches !

*Marc Fraize a joué dans Problemos d’Eric Judor et Au Poste ! de Quentin Dupieux.

Propos recueillis par Mathieu Dauchy
Informations
Lille, Le Splendid
14.11.201920h, 30€
Woluwe St-Pierre, W:Halll

Site internet : http://www.whalll.be

27.11.201920h30, 25€
Noyelles-sous-Lens, Centre Culturel Evasion
22.02.202020h30, 15>10€
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