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Vue d'expo (c) Julien Damien

Créateur autodidacte et surdoué, Olivier Theyskens marque les dix ans de la Cité de la dentelle et de la mode avec une exposition conçue sur-mesure. A travers In Praesentia, l’ancien directeur artistique de Rochas ou Nina Ricci engage un sublime dialogue entre ses vêtements et les collections du musée calaisien. Agé de 42 ans, le Bruxellois s’y dévoile comme rarement, dressant des liens entre passé et présent, patrimoine industriel et création contemporaine.

La Cité de la dentelle et de la mode fête ses dix ans… mais c’est elle qui offre les cadeaux. A bien y regarder, inviter Olivier Theyskens pour cet anniversaire tenait de l’évidence. « La dentelle occupe une place très particulière dans mon parcours, explique le couturier. Mes premières créations en étaient souvent ornées et j’y suis revenu régulièrement, notamment quand j’ai rejoint la maison Rochas ». Ce tissu déroule le fil conducteur d’une exposition articulée en une vingtaine d’étapes. « Celles-ci sont ne sont pas chronologiques, elles offrent des arrêts sur image dans le paysage mental d’Olivier. Chaque séquence mêle des pièces anciennes ou récentes », détaille la commissaire, Lydia Kamitsis. « Oui, c’est une façon de décortiquer les différentes facettes de mon travail, d’en analyser certaines récurrences », ajoute le styliste.

© Julien Claessens et Thomas Deschamps

© Julien Claessens et Thomas Deschamps

ADN stylistique

D’emblée, on observe son appétence pour le noir, qui lui valut le surnom de “prince gothique de la mode”. « Olivier ne l’envisage d’ailleurs pas comme une couleur, mais une matière, décrypte Lydia Kamitsis. Cela lui permet d’envisager différents types de pièces ». Pour exemple, ces bottes lacées en cuir laqué, réalisées pour Nina Ricci, ressemblent plus à une sculpture fétichiste interrogeant la notion d’équilibre, qu’à une simple paire de chaussures. Parmi les autres signatures visuelles du maître, citons le corset (en coque ou rehaussé d’une minerve brodée de jais), le biais, ou les agrafes. « Elles symbolisent la suture, c’est une sorte de scarification ». Ce goût lui provient sans doute de l’enfance, quand il découvrait les « boîtes aux trésors », celles des couturières, cachées dans la maison normande de sa grand-mère.

Ensemble robe, veste et crinoline en taffetas de soie moirée Olivier Theyskens, automne-hiver 2000-2001 © Julien Claessens et Thomas Deschamps

Correspondances mystiques

Libéré de la pression d’une première rétrospective au MoMu d’Anvers en 2017 (She Walks in Beauty), Olivier Theyskens a eu ici carte blanche. Guidé par son « intuition », il a librement puisé dans les collections de l’institution calaisienne, établissant de nombreuses correspondances, « parfois presque magiques », entre ses créations et des pièces historiques. A l’image de cette robe en taffetas de soie moirée bleue, dialoguant avec une crinoline de 1860… et presque jumelle.

© Julien Claessens et Thomas Deschamps

© Julien Claessens et Thomas Deschamps

Une ressemblance d’autant plus surprenante qu’ Olivier Theyskens « n’est pas collectionneur », comme si une filiation se dessinait d’elle-même. « En découvrant les pièces conservées par le musée je fus subjugué, certaines me rappelant mon travail, confie le styliste aux cheveux de jais. Ce sont des hasards heureux, même si j’ai tendance à puiser dans le passé, pour les formes, la technique, la coupe, les matières ou les couleurs. Au-delà de l’esthétique pure, cette nostalgie apporte une émotion, un supplément d’âme à la mode ».

Hommage

Olivier Thesykens ne s’est pas contenté de sélectionner des vêtements dans les fonds de la Cité de la dentelle et de la mode. Il s’est aussi inspiré d’objets industriels – d’ailleurs jamais exposés. Au pied de ces robes en mousseline de soie ou en organza, on trouve des bobines, moules en bois et autres torsiomètres métalliques. « La beauté plastique de cet outillage m’a séduit, certains instruments m’évoquent des cellules de Louise Bourgeois ou l’art brut ».

© Julien Claessens et Thomas Deschamps

© Julien Claessens et Thomas Deschamps

Derrière ce parti-pris esthétique se cache un sublime hommage au patrimoine local, et à un savoir-faire de deux siècles. « A travers In Praesentia, nous célébrons les ouvriers de la dentelle, dont on parle peu », précise Lydia Kamitsis. Olivier Theyskens s’est par exemple servi d’un morceau de dentelle comme d’un pochoir pour orner une veste de motifs. En face, il a placé un cahier de tulliste dont les pages sont parsemées de traces. Celles des doigts souillés par le graphite, la poudre noire servant de lubrifiant sec pour les machines. Le couturier, qui a visité plusieurs usines dans la région, est saisi par l’ambivalence entre la délicatesse de la dentelle et la violence de sa fabrication. Ce contraste traduit à merveille la « rencontre entre la force et la fragilité » d’une œuvre romantique et moderne, organique et élégante. En un mot : atemporelle.

A LIRE AUSSI : L’INTERVIEW D’OLIVIER THEYSKENS

Portrait de Thomas Deschamps Sept 2016

Portrait de Thomas Deschamps Sept 2016

Julien Damien
Informations
Calais, Cité internationale de la dentelle et de la mode

Site internet : http://www.cite-dentelle.fr/

Saison haute (1er avril - 31 octobre) : tous les jours de 10h à 18h sauf le mardi
Saison basse (1er novembre - 31 mars) : tous les jours de 10h à 17h sauf le mardi
Tarifs exposition permanentes + temporaires : 7/5€
Tarifs exposition temporaire : 4/3€

15.06.2019>05.01.2020tous les jours (sauf mardi) : 10 h > 18 h, 4 / 3 € / gratuit (-5 ans)
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