Alexandre Farnoux
Sur les traces d'Homère
Alexandre Farnoux est professeur d’archéologie classique à l’université Paris-Sorbonne et directeur de l’École française d’Athènes. Co-commissaire de l’exposition du Louvre-Lens consacrée à Homère, il nous invite dans les pas du “prince des poètes”.
Pourquoi s’intéresser à Homère ? Parce qu’il reste omniprésent dans l’imaginaire collectif. A travers ses héros (Ulysse, Hector…), notre langage (le “talon d’Achille” par exemple) et même au cinéma. Nous nous sommes donc interrogés : pourquoi continue-t-il de peser autant dans la culture occidentale, et cela depuis l’Antiquité ?
Alors, pourquoi ? Eh bien il faut visiter l’exposition (rires). Mais très clairement, Homère, c’est d’abord une histoire, un processus de création fascinant. Durant des années, des générations ont récité ses textes, les ont écrits et transformés avant de les éditer. C’est d’ailleurs un récit assez étrange, sans auteur ni date, sans début ni fin, à rebours ce que nous sommes habitués à lire. Ensuite, on trouve chez Homère la somme de tous les savoirs, en tout cas durant l’Antiquité : il rassemble la géographie, l’histoire, la morale…
Comme une sorte de “bible” laïque ? Oui, ce livre fut une référence dans les écoles aux IIIe, IVe et Ve siècles, à Athènes mais aussi en Égypte hellénistique. En ce sens, Homère fut le maître de la Grèce. Son magistère fut réactivé en Occident durant la Renaissance, quand son texte nous parvint imprimé de Byzance vers les XIVe et XVe siècles. Les premières traductions latines et françaises, à partir des XVIIe et XVIIIe siècles, provoquèrent ensuite un véritable engouement.
Homère a-t-il seulement existé ? Etait-ce un poète ou cachait-il un collectif ? Les deux hypothèses s’affrontent encore aujourd’hui, mais cela reste très difficile de trancher car nous manquons d’informations. En gros, l’idée d’un seul auteur est la plus économique, simple, mais les anciens croyaient effectivement en l’existence d’un collectif, les Homérides, soit les garants de la continuité de cette matière orale, et de l’histoire originale.
Comment avez-vous conçu le parcours de cette exposition ? S’agissait-il de raconter une histoire ? Non, plutôt de donner au public les éléments d’un mystère, et surtout de partager avec lui le bonheur d’un miracle, celui d’avoir en main aujourd’hui L’Iliade et L’Odyssée.
Les œuvres sont également très diversifiées, on trouve ici des sculptures, de la vidéo, des peintures… Oui, le parcours offre une histoire de l’art très variée, démontrant la richesse de l’exploitation des récits d’Homère. L’exposition réunit 250 œuvres réparties en deux fleuves, racontant pour l’un L’Iliade et pour l’autre L’Odyssée. Ils sont séparés par une partie centrale s’intéressant aux grands “homéromanes”.
Pourquoi les héros d’Homère traversent-ils les siècles ? Ils sont suffisamment protéiformes et universels pour que chaque époque puisse les investir, avec un sens nouveau. Achille fut par exemple un modèle de bravoure militaire chez les Prussiens. Aujourd’hui, ce serait plutôt Hector et son sens du sacrifice. La figure d’Ulysse est aussi énormément interprétée, transformée, faisant l’objet de multiples lectures métaphoriques. Les néoplatoniciens y voyaient une représentation humaine en quête de vérité, les chrétiens celle de l’âme aux prises avec la vie terrestre et trouvant le paradis à Ithaque. Désormais, il demeure le migrant par excellence, naviguant sur les mers et affrontant mille obstacles pour atteindre une terre plus favorable…
Site internet : http://www.louvrelens.fr/
Galerie du temps et Pavillon de verre :
Entrée libre et gratuite
Galerie d’expositions temporaires :
Tarif plein : 10€ / 18 – 25 ans : 5€ / – 18 ans : gratuit
Le musée est ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h (dernier accès et fermeture des caisses à 17h15).
Fermé les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre.