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Satire de partout !

Photo Gert Swillens

Chic, c’est carnaval ! De Binche à Dunkerque, chacun soigne son Gille, repasse son beste clet’che ou révise ses chansons paillardes. A Alost non plus, on n’a pas peur du ridicule (il ne tue pas). Début mars, cette charmante bourgade flamande devient le royaume de l’exubérance et, surtout, de la parodie. Ici, les puissants de ce monde en prennent pour leur grade lors d’un exercice de dérision des plus salutaires pour la démocratie.

Alost. Sa Grand-Place, son hôtel de ville néo-gothique datant du XIIIe siècle (le plus ancien du Bénélux), son beffroi avec son carillon de 52 cloches… et son carnaval, pardi ! Classé au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco en 2010, ce rendez-vous aurait vu le jour voilà 600 ans. « Il fait partie de l’ADN de la ville, précise Katrien, membre de l’organisation. C’est le clou de l’année ». Pour cause, il mobilise plus de 2 000 personnes. Ces bénévoles démontrent un savoir-faire remarquable dans la confection de chars (près de 250), costumes ou géants des plus chamarrés. « Ils s’y attellent dès septembre, et chacun s’autofinance. Nous comptons aussi deux radios locales ne diffusant que des chansons spécialement dédiées durant l’événement ». Au final, 4 600 passionnés prennent part à la parade, attirant chaque année quelque 100 000 visiteurs.

(c) Gert Swillens

(c) Gert Swillens

Comme c’est bazar…

Comme tout carnaval qui se respecte, celui d’Alost inaugure un monde sens dessus dessous (mais avec des dessous au-dessus). Le “Prince”, désigné parmi les habitants de la ville comme bourgmestre symbolique, ouvre le cortège. Durant trois jours, les pauvres deviennent riches, les anonymes puissants… évidemment, les hommes se transforment en femmes, lors d’une journée unique dite de la “Voil Jeanet” (“la sale Jeannette”), l’un des temps forts de la manifestation, le jour du Mardi Gras. Quelle est son origine ? « Au commencement, la classe ouvrière locale n’avait pas assez d’argent pour acheter des costumes. Les messieurs s’habillaient donc avec les vêtements de leurs mères et épouses. C’est ainsi que fut créée cette parade, lors de laquelle nos gars sont coiffés d’un abat-jour, équipés d’un parapluie et d’une cage à oiseaux, avec un hareng séché en guise de volatile… ».

Une tradition populaire donc, saupoudrée d’« un humour raffiné et d’une pointe d’anarchie ». Une “pointe” ? Le mot est faible. Nos carnavaleux tirent à boulets rouges sur l’actualité internationale ou nationale, à travers de gigantesques caricatures de personnalités. Religion, politique, faits de société… tout y passe !

Permis de railler

Dès lors, cette cité de 85 000 âmes située sur les bords de la Dendre se mue en « capitale de la satire », selon le maire, Christoph d’Haese (N-VA). Il le sait, lui non plus ne sera pas épargné par ses concitoyens. Eu égard aux derniers remous gouvernementaux, qui virent en décembre l’annonce de démission du Premier ministre, les élus belges seront sans doute au cœur des moqueries. Comme le pape François, ou l’impayable Donald Trump, parmi les personnalités déjà annoncées. Qui d’autres ? Mystère… « Il n’y a pas de thème imposé et les habitants décident eux-mêmes des sujets qu’ils parodient, soutient Katrien. Tout est permis sauf la nudité, la pornographie et les animaux vivants ».

Photo Gert Swillens

Photo Gert Swillens

L’an passé, on avait par exemple aperçu le rebelle catalan, Carles Puigdemont, Kim Jong-un et quelques références au mouvement MeToo. Plus fort : en 2015, la manifestation avait créé la polémique en pastichant… des djihadistes. « Les Alostois revendiquent leur droit de se moquer de tout et de tous pendant ces trois jours. Personne ne devrait être épargné, même en temps d’attaques terroristes, car on ne peut faire taire le carnaval ». En somme, ici, on peut (encore) rire de tout… Pourvu que ça dure !

 

Julien Damien

Alost, 03 > 05.03, divers lieux en ville, gratuit, www.aalstcarnaval.be

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