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L'émotion connectée

Photo Ugo Ponte / onl

Nommé directeur musical de l’Orchestre National de Lille en 2016 (à 30 ans), fraîchement reconduit dans sa mission, Alexandre Bloch s’attaque à un monument du répertoire en jouant… l’intégrale des symphonies de Mahler ! Surtout, n’oubliez pas d’allumer votre téléphone.

En quoi consiste ce cycle ? Il s’inscrit dans le cadre d’Eldorado de lille 3000, et s’étend de janvier 2019 à janvier 2020. Nous interprétons l’intégralité des neuf symphonies de Mahler, à peu près une par mois, dans l’ordre chronologique, retraçant ainsi l’histoire de ce compositeur à travers sa famille, ses amours… Cela permet d’observer l’évolution de son style, de plus en plus moderne au fil du temps.

Comment avez-vous découvert Mahler ? J’avais 18 ans, et ce fut un choc ! C’était dans la grande cathédrale d’Orléans. J’étais violoncelliste dans l’orchestre dirigé par Jean-Marc Cochereau, au milieu de 10 trompettes. On jouait la Deuxième symphonie et je m’en suis pris plein les oreilles !

Comment définiriez-vous cette musique ? Il est question d’émotion, avec un grand “E”. Elle fait largement écho à sa vie. Mahler passe de la noirceur à la lumière de façon très furtive. Il bascule du tragique à l’ironie, à la joie, composant presqu’une chanson d’amour parfois. Je me suis d’ailleurs rendu compte que beaucoup se sont inspirés de ses symphonies. Edith Piaf a puisé dans la Septième, et Michel Sardou dans la Troisième (La Maladie d’amour). Sa musique regorge de styles différents.

Et sur scène ? C’est assez puissant car ces émotions sont décuplées par la masse orchestrale. On compte au moins 100 musiciens dont des bois, des cors, beaucoup de cordes, dix trompettes, des chœurs parfois imposants. Ce sont des aventures “gargantuesques”.

Mahler mettait-il beaucoup de lui dans sa musique ? Oui, et il fut très proche de la nature. Cela tient à sa philosophie de vie. Il était chef d’orchestre l’hiver et compositeur l’été. Il avait un agenda très rempli, de septembre à juin à l’opéra de Vienne. C’est seulement l’été qu’il se réfugiait dans sa demeure de campagne, près d’un lac, pour écrire dans un cabanon spécial. On retrouve cette atmosphère acoustique en écoutant ses symphonies.

Quelles sont les caractéristiques de cette Première symphonie ? Elle comporte une dimension très théâtrale avec deux timbales, beaucoup de cors, de trombones. On y entend aussi une valse paysanne de Bavière dans le deuxième mouvement, traduisant l’héritage des Strauss qu’il admirait. Le début du troisième mouvement est empreint de musique populaire juive, klezmer, avant de reprendre le thème de Frère Jacques… Mahler joue aussi sur l’ambiguïté entre les modes majeur et mineur, celui de la sérénité et du tourment. On ne sait jamais sur quel pied danser ! Le quatrième mouvement est quant à lui très opératique : on traverse plein d’états, de l’héroïsme à l’intimisme… C’est très impressionnant pour une première symphonie. Ce compositeur est à la charnière entre la fin du romantisme et le début du modernisme.

D’ailleurs, il était assez incompris de son vivant, n’est-ce pas ? Oui, il disait : « Mon temps viendra »Il avait conscience que ses symphonies seraient appréciées bien plus tard.

Est-ce aussi un défi pour l’Orchestre national de Lille ? Oui, c’est un challenge pour les musiciens de l’orchestre (qui s’est largement renouvelé) car il faut se donner : physiquement, émotionnellement, techniquement… Et le fait de jouer toutes ces symphonies est encore plus prenant.

Vous allez décliner ce rendez-vous sous forme de Smartphony®. Quel est le principe ? Le public interagit avec les musiciens via une application développée dans le Pas-de-Calais avec la société Waigéo. Elle permet de prendre la main sur le déroulé du concert, le tempo de l’œuvre, sa nuance ou même de devenir le chef d’orchestre ! Cela offre pas mal de clés d’écoute… mais je ne veux pas en dire plus, pour ne pas gâcher la surprise !

S’agit-il d’être pédagogue ? Oui, nous utilisons la technologie pour partager la musique avec le plus grand nombre, rendre le concert classique plus accessible, car elle n’est pas réservée à une élite. Moi-même, je n’y connais rien en peinture et pourtant, il y a des choses qui me touchent sans que je sache l’expliquer. C’est la même chose pour la musique, et même plus fort car ses vibrations vous enveloppent, quoi qu’il arrive.

Propos recueillis par Julien Damien
Concert(s)
Titan (Orchestre national de LIlle)
Lille, Nouveau Siècle
01.02.2019 à 20h0055>5€
Titan (Orchestre national de Lille)
Dunkerque, Le Bateau-Feu

Site internet : http://lebateaufeu.com

29.01.2019 à 20h0015€
Titan (Orchestre national de Lille)
Valenciennes, Le Phénix

Site internet : http://www.lephenix.fr

31.01.2019 à 20h0031>10€

Titan (cycle Mahler – Première symphonie)

Programme : Mozart : Les Noces de Figaro, ouverture, Concerto pour cor et orchestre n°4, Rondo pour cor et orchestre Mahler : Symphonie n°1, Titan Direction : Alexandre Bloch, Cor : Alec Frank-Gemmill

Dunkerque, 29.01, Le Bateau Feu, 20 h, 15 €, www.lebateaufeu.com // Valenciennes, 31.01, Le Phénix, 20 h, 31 > 10 €, scenenationale.lephenix.fr // Lille, 01.02, Nouveau Siècle, 20 h, 55 > 5 €, www.onlille.com

Smartphony®

Lille, 02.02, Nouveau Siècle, 18 h 30, 55 > 5 €

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