Home Exposition Claude Samuel Zanele

Le cri du corps

Le point commun entre Claude Cahun, Samuel Fosso et Zanele Muholi? Ils se sont tous livrés à l’exercice de l’autoportrait, dès le début du xxe siècle, entre paris, Bangui, et l’Afrique du sud. Réunis par le FoMu d’Anvers, ces trois grands noms de la photographie entament un dialogue fructueux, portant un regard acéré sur la société à travers leur propre représentation.

A l’origine de cette rencontre plutôt inattendue, il y a les tirages de Claude Cahun, que le musée de la photographie d’Anvers possédait depuis quelques années dans sa collection. Le nom de cette artiste nantaise née en 1894 ne vous évoque pas grand-chose ? « Lucy Schwob de son vrai nom, s’est fait connaître comme écrivaine et a gravité autour des surréalistes parisiens. Nous avons découvert son œuvre photographique tardivement, dans les années 1990 », éclaire Rein Deslé, commissaire de l’exposition. La garder dans l’ombre eut été un tort. Comment ne pas être frappé par l’avant-gardisme de ces clichés la montrant cheveux coupés à la garçonne, brouillant la frontière entre masculin et féminin ? Placés au cœur du parcours, ses petits autoportraits, d’une audace folle pour l’époque, permettent de relier les tirages grands formats de ses deux successeurs. « Nous avons joué sur les contrastes : une zone intimiste au centre, deux vastes espaces autour, bénéficiant d’un éclairage plus théâtral », précise Joachim Naudts, co-commissaire de Claude Samuel Zanele.

Maux croisés

Bester I, Mayotte, 2015 © Zanele Muholi. Courtesy of Stevenson, Cape Town Johannesburg and Yancey Richardson, New York.Si vous entrez du côté de Zanele Muholi, laissez-vous happer par une trentaine de paires d’yeux qui vous déshabillent. Artiste refusant d’être définie par son genre, militante LGBT, la Sud-Africaine se met en scène avec des attributs évoquant la “question raciale” pour mieux dézinguer les préjugés, et amène avec force le regard sur le corps noir. Ainsi de ces pinces à linge érigées en coiffe africaine, clin d’œil au destin de domestique de sa mère. Prenez l’entrée Samuel Fosso, et vous serez scotchés par les 14 tirages spectaculaires de la série African Spirits. Déguisé en Mao « pour cibler la recolonisation de l’Afrique par la Chine », grimé en Angela Davis ou Malcolm X, le Camerounais incarne fièrement la lutte pour les droits des Noirs. « A mille lieues de l’introspection, chaque image sélectionnée cache une intention, dit quelque chose de notre monde », insiste Rein Deslé. Très loin, donc, du narcissisme de l’omniprésent selfie.

Marine Durand
Informations
Anvers, FoMu

Site internet : http://www.fotomuseum.be

26.10.2018>10.02.2019mar > dim: 10h > 18h , 10 > 3 € / Gratuit pour les -18 ans
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