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A bonne école

Mauvaises herbes

Kheiron signe avec Mauvaises herbes son deuxième long-métrage. Il y incarne Waël, un ex-enfant des rues vivant de petites arnaques avec Monique (Catherine Deneuve). Jusqu’au jour où Victor (André Dussollier), vieille connaissance de cette dernière, propose au jeune homme de s’occuper d’adolescents exclus du système scolaire. Ancien éducateur, l’humoriste franco-iranien puise dans son vécu pour réaliser une comédie sensible sur la jeunesse des banlieues. Rencontre (improvisée) avec un type sincèrement drôle.

Comment présenteriez-vous Mauvaises herbes ? C’est un film familial traitant de thèmes assez durs comme la violence, l’exclusion, la rédemption… Mais ces sujets sont abordés sans pathos. L’humour est le meilleur moyen de porter un message. Faire rire quelqu’un c’est le désarmer et le rendre attentif.

Pourquoi vous intéressez-vous aux jeunes en difficulté ? On entend des jugements négatifs sur les jeunes : on en a peur, on les exclut. Il faut aussi prendre le temps de les comprendre. Ils vont nous succéder, plaçons-les dans les meilleures dispositions, pour qu’ils fassent mieux que nous !

Ce film comporte-t-il une part autobiographique ? J’ai effectivement accompagné des jeunes en difficulté. On m’avait choisi car j’avais un bon feeling avec les gamins considérés comme des délinquants. Sur le terrain, on se rend compte que chaque problème a sa solution. Il faut simplement être pédagogue.

Ne revivez-vous pas aussi quelques moments plus dramatiques ? Je répondrais “oui” à cette question si je n’avais pas réalisé Nous trois ou rien (ndlr : retraçant le trajet de ses parents, de l’Iran aux cités parisiennes). Dans mon premier longmétrage, j’étais au maximum de ce qu’un être humain peut encaisser. Pour l’occasion, j’ai perdu 13 kilos, arborant la barbe de mon père. Tandis qu’on me battait, j’imaginais ce qu’il avait vécu pendant sept ans et demi. En écrivant ce film, j’ai évoqué avec lui des sujets dont on n’avait jamais parlé auparavant : la torture, le viol en prison… Un enfant n’a pas envie de savoir ces choses-là.

Vous demeurez pourtant attaché à l’enfance ? Oui, je suis convaincu que le comportement d’un être humain se joue entre cinq et six ans. C’est une période charnière de l’existence. Je me sers de ce background pour expliquer qui est Waël.

Comment avez-vous établi le casting de votre film ? Pour le rôle de Monique, j’ai tout de suite pensé à Catherine Deneuve. Cela m’amusait de la placer dans des situations incongrues. Elle n’a jamais été aussi négligée, comique, avec un tel lâcher-prise ! Et quel plaisir de l’associer à André Dussollier. Il a une palette de jeu infinie, entre le drame et la malice.

Quelle importance avez-vous accordé à l’image ? Avant de réaliser Nous trois ou rien, je n’avais dû voir qu’une trentaine de films. Pourtant, j’ai tout de suite eu envie de produire du beau cinéma. J’adore la comédie, ses blagues tout en rythme, ses champs et contrechamps, mais j’affectionne aussi les plans-séquences. Alors, j’ai mixé les deux.

Mars FilmsMauvaises herbes se termine relativement bien. N’offrez-vous pas au spectateur une vision magnifiée de la réalité ? J’aime les drames, être bousculé. Mais j’ai besoin d’une note d’espoir. J’ai horreur de sortir démoralisé d’une salle de cinéma. Alors certes, Mauvaises herbes se termine bien. Mais le destin de ces jeunes reste incertain… Il ne s’agit pas d’une histoire manichéenne où le héros règle tous les problèmes.

Les films sur la jeunesse dans les banlieues ne sont pas rares. Quelle est la singularité du vôtre ? Il y a deux genres de film sur les cités, en France : ceux très noirs décrivant une certaine réalité, filmée caméra à l’épaule sur fond de misère sociale. Et puis il y a les héros attachants mais vraiment cons, cancres… Les banlieusards que je connais, et dont je suis puisque j’ai grandi à Pierrefitte, Stains et à la Courneuve, soit le triangle des Bermudes du ghetto, ne sont pas stupides. Sortir un film sur des banlieusards “normaux” devient un acte citoyen !

Quelle est la part d’improvisation ici ? Dans mon spectacle 60 minutes avec Kheiron, je me concentre à la fois sur ce que je fais et sur le public. J’ai pris cette habitude de diviser mon cerveau. Sur le tournage, c’est exactement la même chose. Lorsque quelque chose ne fonctionne pas sur le plateau, je le sens avant tout le monde et je peux le rectifier. Trois de nos fous rires sont ainsi le fruit d’improvisations.

Justement, qu’en est-il de votre spectacle ? Il est très simple et très compliqué à la fois. Vous ne savez pas ce que vous allez voir et je ne sais pas ce que je vais vous dire. C’est une autre proposition. J’aime désarçonner le public, mais sans jamais tomber dans la facilité. On obtient donc quelque chose d’inédit chaque soir. On adore ou on déteste, il n’y a pas de juste milieu !

Propos recueillis par Angélique Passebosc

Mauvaises herbes

De Kheiron, avec lui-même, Catherine Deneuve, André Dussollier… Sortie le 21.11

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