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Le coeur à l’oeuvre

Le Louvre-Lens inaugure une nouvelle manière d’exposer, en s’intéressant aux grandes thématiques universelles. En cela, quel meilleur point de départ que l’amour ? Cette aventure à la fois intime et collective nous est racontée en sept chapitres, du péché originel à la libération des moeurs. Une histoire ardente, parfois coquine, s’écrivant au gré de 250 sculptures, peintures ou films. En somme, le coeur ET la raison.

L’amour ? Vaste question… « Il est évidemment impossible d’être exhaustif sur un tel sujet, concède Zeev Gourarier, directeur scientifique des collections du Mucem, et co-commissaire de cette exposition. Notre parti pris fut donc de raconter une histoire, plus précisément celle de nos manières d’aimer au fil du temps ». Certes, tout cela a bien évolué, « mais il y a un invariant absolu : on s’est toujours aimé, sans doute depuis la Préhistoire ». En témoignent ces sculptures étrusques, romaines, assyriennes ou égyptiennes figurant des couples enlacés, en guise de prologue. « Vous noterez qu’ils sont unis dans un seul bloc, nous renvoyant à un mythe fondateur : l’entité primitive complète et androgyne. Chez les Hébreux, c’est Adam. Puis Dieu en prit, non pas une côte comme le relaie une erreur de traduction misogyne, mais tout un côté, pour créer le féminin et le masculin ».

James Pradier, Satyre et bacchante © Musée du Louvre, Dist. RMN-GP - Hervé LewandowskiEt chez les Grecs ? « L’amour est une contradiction, souligne Barbara Cassin, directrice de recherches au CNRS. Pour eux, Eros est le fils de Poros (soit la richesse) et de Pénia (la pauvreté). Il est donc à la fois partout et dépourvu de tout ». Comme l’écrivait Lacan : « l’amour, c’est donner ce qu’on n’a pas…».

Femme fatale

La grande “star” de ce récit, c’est la femme. Et ça commence plutôt mal, car elle fut d’abord considérée comme une abominable tentatrice, nous coûtant le Paradis (Eve) et les pires maux du monde (Pandore). « Elle est à la fois séductrice et dangereuse », selon Dominique de Font-Réaulx, directrice du musée national Eugène Delacroix. A l’image de ce chef-d’œuvre de la sculpture de James Pradier, Satyre et Bacchante (1834), où l’amante (sans doute Juliette Drouet, qui fut aussi la maîtresse de Victor Hugo) « provoque les pires égarements, emportant l’homme tout entier ». On le voit, à l’heure du mouvement MeToo, « ces archétypes négatifs trouvent leurs racines très profondément, et ne sont pas totalement effacés », Giuseppe della Porta Salviati, Adam et Ève © STC – Mairie de Toulousecommente Zeev Gourarier.

Echec et mat !

Il faudra attendre le Moyen Age et l’amour courtois pour voir les choses progresser. « La femme est alors la suzeraine de son seigneur, qui doit accomplir moult exploits pour la séduire ». Symbole de ce changement : le jeu d’échec. D’abord vizir, la pièce la plus puissante devient la reine. On voit ainsi naître le début d’une relation… et les tous premiers pas de danse ! Un rapprochement des cœurs propice, dès le XVIe siècle, à l’éclosion de la galanterie, cristallisée par L’Embarquement pour Cythère de Watteau, et ces peintures bardées de double sens, jamais innocents. « Quand les petits oiseaux s’envolent, c’est une vertu qui disparaît derrière un bosquet… ». Grâce aux porcelaines de la manufacture allemande de Meissen, ces petites scènes frivoles s’invitent même à table, « et c’est toute la société qui va chanter l’amour ». Alléluia.

Vue d'exposition (c) Julien Damien

Jeux coquins

Peu à peu, l’Homme s’émancipe de la religion, les mœurs s’allègent et les corps se dénudent. Nous voici au XVIIIe siècle, en plein libertinage. Dans une scénographie évoquant un boudoir écarlate, L’Odalisque de François Boucher nous offre son séant charnu sans rougir. Le XIXe siècle rhabillera ces canailleries de romantisme avec, en point d’orgue, le mariage (happy end de tout bon conte qui se respecte). Les sentiments sont rois et les âmes fusionnent. Citons La Valse de Camille Claudel, où les amoureux virevoltants sont réunis par le même drap de bronze.

L’amour, toujours

Le XXe siècle, enfin, sera celui de la liberté et de l’émancipation du “deuxième sexe”, symbolisée par le travail de Niki de Saint Phalle, dont on découvre l’une des toutes premières Nanas. Le parcours s’achève en musique, dévoilant (pour la première fois) près de 350 pochettes de vinyles issues du fonds du Golf Drouot. L’endroit n’est pas anodin : c’est dans ce club parisien qu’émergea le rock hexagonal à la fin des années 1950 – s’y produisirent Johnny, Eddy Mitchell ou la bande des yéyés. Chacune d’elles témoigne des bouleversements qui traversèrent la société française durant les Trente Glorieuses. On y entend par exemple Sylvie Vartan chanter Comme un garçon, préfigurant sans le savoir nos questions liées au genre. Une nouvelle façon de se chérir, propre au XXIe siècle ? Pour une fois, Zeev Gourarier botte en touche : « ça, c’est au visiteur de l’imaginer…».

Julien Damien
Informations
Lens, Louvre-Lens

Site internet : http://www.louvrelens.fr/

Galerie du temps et Pavillon de verre :
Entrée libre et gratuite

Galerie d’expositions temporaires :
Tarif plein : 10€ / 18 – 25 ans : 5€ / – 18 ans : gratuit

Le musée est ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h (dernier accès et fermeture des caisses à 17h15).

Fermé les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre.

26.09.2018>21.01.2019tous les jours sauf mar : 10 h > 18 h, 10 > 5 €
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