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Un œil en moins

P.O.L

Elles ne courent pas les rues, les œuvres à la hauteur de leur époque. Certes, la nôtre ne vole pas très haut mais, précisément, dans l’engourdissement général, il faut des instruments d’autant plus sensibles pour saisir ce qui frémit, se fissure ou se fige. Pour dire par exemple ce qu’aura été Nuit debout et contrarier ainsi le sentiment si tenace que rien ne se passe. Pour dire aussi ce qu’aura été l’incapacité de l’Etat français à accueillir ceux cherchant un refuge. Ce qui arrive et ceux qui arrivent, voilà par quoi l’écriture de Quintane est traversée, dérangée. C’est qu’il s’agit de ne plus se reposer sur les vieilles évidences, comme celle d’une poésie nécessairement politique. Alors quoi ? Il faut sonder le langage, les images, l’air du temps, mettre les mains dans la mécanique administrative et aller voir ailleurs. Tenter des rapprochements. Esquisser des gestes. Faire histoire. Ou, comme l’écrit Quintane : « étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait, tantôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête, etc. » Ah, oui : Un œil en moins est le livre le plus violemment drôle qu’on ait lu depuis longtemps.

Raphaël Nieuwjaer

398 p., 20 €

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