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Corentin Fohlen

(c) Corentin Fohlen

Auréolé de nombreux prix (World Press, Visa d’Or…), Corentin Fohlen privilégie la photographie au long cours, loin du feu de l’actualité. Après le séisme de 2010, il est ainsi retourné à 20 reprises en Haïti, livrant une vision fidèle de ce pays méconnu, notamment à travers cette plongée haute en couleurs dans son célèbre carnaval de Jacmel.

Né en 1981 à Quimper, Corentin Fohlen s’est d’abord rêvé dessinateur de BD. Il s’y est formé à Saint-Luc à Bruxelles… pour finalement choisir la photo. De retour à Paris, en 2003, il suit les mouvements sociaux, tout en œuvrant à mi-temps à la Fnac, puis décide de se consacrer au photoreportage. Grèves, meetings politiques… Corentin est sur tous les fronts. Repéré par l’agence Wostok Press, il suit l’actualité française et internationale, couvre les guerres et marées contestataires (Nord Kivu, Afghanistan, Ukraine, printemps arabe…). Mais en 2012, suite au décès des photojournalistes Lucas Dolega et Rémi Ochlik, il lève le pied : « trop de stress et de risques dans cette course permanente à l’actu, j’ai choisi de travailler au long cours », confie-t-il. à l’image de son fabuleux travail sur Haïti, mené depuis la catastrophe de 2010. « Lors du séisme, je n’ai pas compris grand-chose de ce pays, déjà meurtri bien avant et difficile à cerner… J’étais frustré, il fallait revenir ». Ainsi, depuis huit ans et après 20 séjours, il perçoit mieux l’identité de cette petite terre des Caraïbes, la fierté souvent outragée de ses habitants, et s’y est fait des amis. Cette démarche respectueuse lui a permis de s’immerger en 2016 et 2017 sur la côte sud-est, dans le carnaval de Jacmel, reconnue “ville créative d’artisanat et d’arts populaires” par l’Unesco. Chaque année en février, les autochtones défilent en costumes qu’ils ont eux-mêmes confectionnés. Au coeur de ce bouillonnement, le Français est parvenu à isoler des personnages truculents. Avec son studio de rue, un fond de tissu noir et l’aide de deux amis (Wood et Djennie), il en a tiré ces portraits exceptionnels, pris sur le vif, en quelques minutes. Eclatants de couleurs, parés d’attributs et de serpents, ces “carnavaleux” jaillissent de l’obscurité comme autant d’incarnations des mythes d’une culture nourrie de Vaudou et d’influences africaines. Une vision à rebours des clichés folkloriques et des caricatures.

François Lecocq

A lire / Karnaval Jacmel, textes : René Depestre, photographies : Corentin Fohlen, (Light Motiv) 96 p., 35 €

Haïti, Corentin Fohlen, préface James Noël, (Light Motiv), 172 p., 35 €

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