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Bande à part

Le monde entier attend avec impatience la suite de Peaky Blinders. De la Turquie à la Russie en passant par la France, la Belgique, les états-Unis et bien sûr le Royaume-Uni, les gangsters des années 1920 raflent la mise. À la veille de la diffusion de la saison 4 sur Arte, voyage entre fiction et réalité, des bas-fonds de Birmingham jusqu’à la riviera anglaise, bien rencardés par le créateur de la série : Steven Knight !

Jamie Devon, créateur et propriétaire du Peaky Blinders Bar & Grill à Paignton, Devon. Son arrière-grand-père faisait partie du gang

Jamie Devon, créateur et propriétaire du Peaky Blinders
Bar & Grill à Paignton, Devon.
Son arrière-grand-père faisait partie du gang

Dimanche midi, Paignton, Devon, station balnéaire de l’English Riviera. On est loin de l’Angleterre industrielle miséreuse rythmée par les guerres entre malfrats. C’est pourtant ici, dans une petite rue, que Jamie Devon a ouvert le Peaky Blinders Bar & Grill en septembre. « Quand la série est sortie, ça a fait tilt. Mon arrière-grand-père était un authentique Peaky Blinders et je voulais ouvrir un bar depuis longtemps », explique Jamie. Bière à la main, casquette de tweed vissée sur la tête, chemise blanche et petit gilet, il se souvient : « Mon arrière grand- père est arrivé d’Irlande à Birmingham enfant. Il a rejoint les gangs des “courses de chevaux” qui organisaient des paris illégaux, un business tenu par les Peaky Blinders ». Pincé par la police, il fut emprisonné à Londres. Une fois repenti, il demeura sur place. Jamie a lui-même grandi dans la capitale britannique avant de suivre ses parents à Paignton. Tandis qu’il raconte son histoire, le pub se remplit : des familles, des couples et, déjà, des habitués. Parmi eux Sandy, pimpante sexagénaire : « J’adore la série. Cet endroit lui rend vraiment hommage ». Il faut dire que Jamie a pensé à tous les détails : « les chemisiers blancs des serveuses renvoient à ceux de Grace, l’épouse de Thomas Shelby, le chef de la bande ». Le décor, la musique jouée en live, les pintes qui se vident… Tout cela donne furieusement envie de se replonger dans la salle de paris, poumon du business des Shelby !

Sous la casquette

Garrison Tavern, Garrison Lane, 1961. Le QG des Peaky Blinders

Garrison Tavern, Garrison Lane, 1961.
Le QG des Peaky Blinders

Une ambiance que Steven Knight, créateur de la série, décrit avec passion. Celle-ci est fortement influencée par les récits de son enfance. « Je viens de la “working class” de Birmingham, je suis le dernier de sept enfants, explique-t-il. Mon père était forgeron, issu d’une famille de gitans anglais. Quand il avait 9 ans, son grand-oncle Sam Sheldon, dont je me suis inspiré pour le personnage de Thomas Shelby, l’a envoyé chez les Peaky Blinders pour leur transmettre un message. Il nous raconta sa surprise en ouvrant la porte de la salle de paris, enfumée, avec ces types tirés à quatre épingles buvant du whisky à même la bouteille ».

Ce sont ces histoires hautes en couleur qui lui ont donné envie d’écrire sur les bandes de Birmingham. Pour cela, la BBC lui a donné carte blanche… Mais au fait, qui sont réellement les Peaky Blinders ? D’après l’historien Carl Chinn, il s’agit d’un nom générique caractérisant tous les truands du quartier miteux de Small Heath, dans les années 1890. Leur sobriquet viendrait de la casquette qu’ils portaient tous, très à la mode à l’époque, et surnommée “peaky”. L’association avec “blinders” renverrait aux lames de rasoir cousues à l’intérieur. Quand un de ces voyous attaquait le visage de quelqu’un avec son couvre-chef, il lui lacérait le nez, le faisait pleurer et l’aveuglait (blind en anglais)… Selon Carl Chinn, ils n’auraient toutefois pas survécu à la Première Guerre mondiale. Pour Steven Knight, Small Heath et ses environs seraient toutefois restés truffés de bandes liées aux paris illicites de canassons (entre autres rackets et trafics…) jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, et même 1961, quand les paris furent légalisés.

Plus vrai que nature

(c) Tiger Aspect-Caryn Mandabach Productions Ltd 2017Si les “héros” de la série sont fictifs, ils s’inspirent d’individus ayant réellement existé, « comme l’inspecteur en chef Chester Campbell, ressemblant à un flic irlandais qui s’appelait Rafferty ». Ou alors de faits historiques : « Grace n’incarne pas une personne en particulier mais on sait que l’état britannique envoyait des espionnes déguisées en barmaids ou femmes de ménage pour glaner des informations sur l’IRA ». Plus encore que le scénario, ce sont donc les personnages qui font le succès du programme. « Oui, Thomas Shelby est presque sympathique… Pourtant il commet des actes terribles. Mais, je voulais que le spectateur découvre l’histoire à travers ses yeux ». Il fallait le rendre “humain”, émouvant. Cette idée justifie une bande sonore décalée : de PJ Harvey à Nick Cave, la musique ajoute de la noirceur tout en renforçant notre adhésion aux émotions des protagonistes.

Contre-culture ouvrière

Steven Knight ne parvient pas à expliquer le carton de sa création. Mais il en est fier. « Je ne voulais pas que cette série fasse honte aux “working class” mais célèbre leur culture. Tous les drames d’époque en Angleterre tournent autour de la bourgeoisie et de l’aristocratie. Les cris, la vie, l’alcool, le jeu… ça ne se passe pas dans les grands salons mais dans la rue ! ». De retour au Peaky Blinders Bar & Grill, les fans attendent avec impatience la saison 4. Selon Steven, celle-ci verra nos truands favoris réintégrer Small Heath en 1925, et affronter un nouvel ennemi, incarné par Adrien Brody… Jamie, lui, prévoit d’agrandir son pub et d’en ouvrir d’autres. Le fameux slogan “By order of the Peaky Blinders!” n’a pas fini de nous faire frissonner.

A LIRE AUSSI : L’INTERVIEW DE STEVEN KNIGHT

Steven Knight (c) DR

Elisabeth Blanchet

À voir / Peaky Blinders, saison 4, de Steven Knight, avec Cillian Murphy, Helen McCrory, Tom Hardy, Adrien Brody… diffusée à partir du 18.01.2018 sur Arte

À visiter / Le Peaky Blinders Bar & Grill, Paignton, 107 Winner Street, +44 1803 411819

À essayer / Le Peaky Blinders Tours à Birmingham

À lire / The Real Peaky Blinders : Billy Kimber, the Birmingham Gang and the Racecourse Wars of the 1920s, de Carl Chinn (Brewin Books), 112 p., 15,45 €

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