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Pop en stock

On se souvient de cette grande exposition consacrée à Andy Warhol, en 2013. Le BAM accueille aujourd’hui un glorieux élève du maître du pop art : David LaChapelle. De ses clichés de célébrités à ses créations plus spirituelles, cette rétrospective retrace en une centaine d’oeuvres toute la carrière de l’Américain, des années 1980 à nos jours. L’accrochage met à bas nombre de clichés accolés à cet artiste sulfureux.

De David LaChapelle, on connaît le sens de la provocation, cette esthétique kitsch et fluo reconnaissable entre toutes. Ses clips ou photos de stars, entre pop art et porno chic, ont fait le bonheur de la publicité et des magazines. Mais le temps des futilités sur papier glacé semble révolu pour l’enfant du Connecticut. Le virage eut lieu en 2006, suite à une visite de la chapelle Sixtine. L’Américain fut ébloui par les peintures de Michel-Ange. « Il a vécu une profonde crise existentielle », se rappelle Gianni Mercurio, commissaire de cet accrochage. « Il voulait tout changer, arrêter les travaux commerciaux et entamer une nouvelle vie d’artiste. Il s’est alors retiré sur une île d’Hawaï, a dépensé tout son argent pour acheter une ferme ».

My Own Liz, 2002. Chromogenic Print © David LaChapelle Studio IncEpiphanie

Cette révélation artistique et spirituelle s’est d’abord traduite par la réalisation de Deluge, fresque longue de plus de sept mètres ouvrant cette rétrospective. Elle met en scène des hommes, femmes et enfants se débattant en pleine apocalypse, au milieu des casinos ou grandes enseignes submergées par les eaux, à Las Vegas. Elle se lit comme une puissante allégorie, une critique de notre société consumériste. « C’est à la fois le symbole de la destruction et de la purification, la fin d’un monde et le début d’un autre. Si vous la regardez bien, vous verrez que l’artiste met en avant les valeurs d’entraide chez chacun des sujets ». Au-delà du message, l’art du “fermier” se caractérise donc par cette volonté de raconter des histoires. « Selon moi, il a introduit une dimension nouvelle dans la photographie : la narration ». Citons aussi la série Awakened, montrant des personnages flottant dans un liquide amniotique, mais semblant se réveiller, prêts à démarrer une existence nouvelle.

L’enfer

Que l’on apprécie ou pas ce débordement de couleurs flashy et cette nudité (très crue) des corps, on ne peut que s’incliner face à la technique de LaChapelle. En effet, point de retouche photo ni de postproduction chez lui : les décors, costumes (quand il y en a)… tout est “fait-maison” et le cliché final, quel que soit le nombre de personnages, résulte d’un unique “clic” ! « Il travaille à la manière d’un artisan, un peu comme Federico Fellini. Il va simuler un effet aquatique avec une bâche en plastique, utiliser des ventilateurs pour restituer le souffle du vent… ».

Last Supper, 2003 Chromogenic Print © David LaChapelle Studio IncDéployé sur les deux étages du BAM, le parcours n’est pas chronologique, mais thématique. On y devine un triptyque sur la destinée humaine (l’enfer, le déluge, le paradis). Au premier, à la suite de la série Deluge qui remet donc tout à plat, sont rassemblées ses célèbres photos du show-biz (de Bowie à Di Caprio, en passant par Paris Hilton, on en passe). Celles-ci témoignent de l’extravagance de la société du spectacle, de son narcissisme, une certaine vision de l’enfer en somme… A l’image de ce portrait de la famille Kardashian posant au centre d’un royaume dévasté, comme le sont les magasins lors du Black Friday, ce jour orgiaque de soldes américaines. On constate, en passant, que certains modèles de LaChapelle se méprennent parfois sur ses intentions véritables… « Cette compostion moque la soif de pouvoir et le consumérisme, soutient Gianni Mercurio. David croque des célébrités, non pas pour en livrer un portrait, plutôt pour caricaturer des faits de société, comme une étude anthropologique ».

Eden

Vient enfin la section consacrée au nouveau monde, “le paradis”, au second niveau. Si les stars sont toujours là (comme cet archange Michael Jackson terrassant le Diable), l’être humain disparaît peu à peu des clichés, illustrant les préoccupations écologiques du photographe. Telles ces maquettes de stations-service abandonnées au milieu de forêts luxuriantes d’Hawaï, dans un monde où la nature a repris ses droits (série Gas, 2012). New World, son travail le plus récent (2017) et le plus conceptuel, dévoile une sorte d’Eden où l’Homme fusionne avec la Terre, au sein des paysages rappelant ceux de Gauguin lors de sa phase tahitienne. LaChapelle revient ici à une technique expérimentée dans les années 1980, peignant directement sur la pellicule. Il symbolise, par exemple, l’amour pur entre deux êtres via un tourbillon multicolore, révélant une facette insoupçonnée de sa personnalité…

Julien Damien
Informations
Mons, BAM

Site internet : http://www.bam.mons.be

Mardi au dimanche, 10h > 18h

28.10.2017>25.02.2018mar > dim : 10 h > 18 h, 9 / 6 € / gratuit (-6 ans)

A lire : Lost + Found. Part I, 278 p., 49,99 € // Good News. Part II, 276p., 49,99 €, Taschen, www.taschen.com

 

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