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Rire sur la ville

Une cabine téléphonique aquarium, une caravane dans le ciel, une bétonnière boule à facettes… Benedetto Bufalino est passé maître dans l’art de faire dérailler notre train-train quotidien, en détournant tout ce qu’il trouve. Sous le regard du Lyonnais, la ville devient un vaste terrain de jeu où l’on grille des saucisses dans une voiture barbecue avant de rejoindre une table de pique-nique géante ! Grâce à lui, de Moscou à Montréal en passant par Singapour, l’aventure est au coin de la rue.

Comment définiriez-vous votre travail ? J’interviens dans l’espace public, les parcs, les rues, les routes, les trottoirs… J’essaie de ré-enchanter des endroits banals en leur donnant une dimension plus sportive ou festive, grâce à une bétonnière boule à facettes par exemple !

S’agit-il aussi de rendre l’art accessible ? Oui, j’aime jouer avec des codes et des formes que tout le monde connaît : des voitures, des caravanes, du mobilier urbain, des terrains de sport… Cela me permet de toucher les gens, ils s’approprient ainsi mes créations en montant dedans, en y dansant, s’y amusant…

Les spectateurs font-ils l’oeuvre ? Tout à fait, ils deviennent des performeurs, sont parties prenantes de cet espace.

Est-ce le cas de cette voiture que vous avez retournée et transformée en table de ping-pong ? Par exemple. D’ailleurs je l’aime beaucoup. Je l’ai conçue en plein débat sur la “loi travail”. Il y avait pas mal de manifestations, de voitures renversées… Mon idée était la suivante : on revendique mais, en même temps, tout cela peut se finir par un moment sympathique, comme un ping-pong !

La voiture table de ping-pong, Maison Salvan, Labège, 2016

Vous êtes donc inspiré par l’actualité ? Oui, j’aime répondre au réel. Dernièrement, j’ai créé une oeuvre à Hambourg, au moment du G20. Il y avait là aussi pas mal de grabuge. J’en ai profité pour réaliser un barbecue dans une voiture de police allemande qui avait été renversée. D’ailleurs, elle est toujours sur place, dans un parc, et on continue de s’en servir pour griller des saucisses.

Cette note humoristique sert-elle votre propos ? Ré-enchanter la ville, c’est aussi la rendre plus drôle. Et mine de rien, à travers l’humour, j’aborde des questions sérieuses.

Qu’en est-il de la construction ? Cela relève du défi technique. Ma première création fut la cabine téléphonique aquarium, dans le cadre de la Fête des Lumières à Lyon. Elle était remplie de poissons colorés qui donnaient l’impression aux passants de se situer en dessous du niveau de la mer, mais en pleine ville ! Cet aquarium haut de deux mètres supportait une énorme pression intérieure. Il a nécessité des verres spécifiques. Je travaille donc avec des entreprises capables de réaliser ce genre de pièces. DSC02511ret

Où trouvez-vous vos matériaux ? Eh bien je vais sur Le Bon Coin (rires), j’y trouve des voitures à 500, 1 000 euros… Mais je n’en achète pas tant que ça au final… La voiture pot de fleurs était un véhicule municipal, celle sans permis, que j’ai transformée en Ferrari, on me l’a prêtée.

Intervenez-vous dans toutes les villes du monde ? Eh oui (rires). A Moscou, Singapour, Montréal, Toulouse, Hambourg, Madrid… Je vais là où l’on m’invite. Soit mes hôtes connaissent l’œuvre qu’ils veulent, soit j’en construis une nouvelle, généralement, sur place – je ne vais tout de même pas me déplacer à chaque fois avec mes voitures transformées ou ma bétonnière !

De quelle pièce êtes-vous le plus fier ? Le terrain de sport construit sur la plage d’Anglet, constitué de murets de 70 cm de haut. Je l’aime beaucoup car c’est une sculpture épurée, minimaliste. Comme si en retirant le sable, on avait découvert une structure en briques ! Et puis, elle nous invite à un jeu dont il faut inventer les règles, discuter, voir le monde différemment…

Propos recueillis par Julien Damien

A voir / Le tennis en appartement de Benedetto Bufalino, dans le cadre de l’exposition collective FRArGILE : Schaerbeek, 07.10 > 02.12, Maison des Arts, mar > ven : 10 h > 17 h, sam & dim : 14 h > 18 h, gratuit, www.lamaisondesarts.be + Carte blanche à Benedetto Bufalino, dans le cadre du Biennale d’art contemporain Sélest’art : Sélestat (Alsace), 07.10 > 12.11, Gratuit.

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