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Get up, Stand-up

Footballeur, journaliste, gérant de discothèque… à 35 ans, Guillermo Guiz a déjà plusieurs vies derrière lui. Le voici humoriste, grossissant les rangs de la nouvelle génération du stand-up francophone (Fary, Nawell Madani, Kyan Khojandi). Depuis la rentrée, il ravit aussi les auditeurs de La Bande originale sur France Inter avec sa verve absurde et corrosive. Le ket d’Anderlecht a-t-il un bon fond, comme l’annonce son spectacle ? Pas sûr…

Quel est votre parcours ? J’ai étudié les sciences politiques à Bruxelles avant de devenir journaliste pour la presse écrite belge, notamment Le Soir. J’ai ensuite rejoint le monde de la nuit en gérant des boîtes, à Knokke-le-Zoute et à Bruxelles… Puis tout s’est cassé la gueule, alors je me suis reconverti dans l’humour.

Vous avez aussi été footballeur… Oui, j’ai mené une petite carrière chez les jeunes et failli devenir pro, mais mon corps étant aussi décevant que mon âme, ça n’a pas marché non plus (rires). Ma vie est un enchaînement de bizarreries.

Comment avez-vous décidé de monter sur scène ? A la suite de ce lamentable échec dans le milieu de la nuit je me suis retrouvé au pied du mur. Je n’avais plus de perspective, d’argent, de logement. Il fallait redonner du sens à ma vie. Je regardais beaucoup de stand-up américain à ce moment-là et un jour je me suis dit : « pourquoi pas moi ? »

Vous évoquez souvent Louis C.K… Oui, ce type m’a bouleversé. Il porte un regard désabusé mais tellement lucide sur la nature humaine. Je me suis reconnu dans sa noirceur. Je n’ai jamais été le mec le plus joyeux de ma génération mais j’ai toujours gardé le sens de l’humour.

Faites-vous des liens entre l’humour et le journalisme ? J’applique en général sur scène les questions fondamentales du journalisme : « Qui ? Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? » Mon spectacle est ainsi constitué d’histoires, d’anecdotes et contient peu de vannes gratuites. Dans une salle de rédaction, on essaie de dénicher le moyen de traiter l’actualité en se démarquant du canard concurrent. Moi j’essaie d’être différent des autres humoristes en utilisant des mots et des angles originaux.

Vous revendiquez-vous du stand-up ? Absolument, je suis debout sur scène, sans aucun artifice, musique ni lumière. Je parle durant une heure aux gens comme si j’étais dans leur salon, c’est très épuré.

On vous voit sur scène, on vous entend aussi à la radio… Avez-vous d’autres projets ? Rien de très concret dans ma besace. En tout cas, je ne vais pas cartonner tout de suite au cinéma… J’ai déjà joué la comédie dans une capsule humoristique, et je suis sans doute le pire acteur dans un rayon de 600 kilomètres (rires).

Quel est le sujet de votre spectacle ? C’est l’histoire d’un trentenaire réalisant qu’il n’est pas devenu la personne qu’il souhaitait être. Je me demande donc, à travers une série d’exemples, si j’ai un bon ou un mauvais fond, si je suis quelqu’un de bien ou une merde. Je digresse ainsi sur divers sujets de société.

Comment qualifieriez-vous votre humour ? Désabusé mais pas “noir”, je ne suis pas cynique. Je balance des blagues parfois “rentre-dedans” mais ne règle pas mes comptes. Les cas sociaux, les handicapés, les arabes… personne ne peut se sentir agressé par mes propos. Ils sont tellement absurdes. D’ailleurs, le cas le plus dramatique de mon spectacle, c’est moi (rires).

Vous n’êtes pas non plus tendre avec Anderlecht, d’où vous êtes originaire. Vous dites par exemple que ses vrais habitants « portent un maillot du Sporting avec le numéro 21 » Oui, en hommage à la trisomie ! Evidemment, je force le trait mais qui aime bien châtie bien ! Je parle de choses qui me touchent. J’ai du mal à blaguer sur la bourgeoisie, très éloignée de mon vécu, tandis que le côté “plouc” propre à Anderlecht fait partie de moi. Je m’en moque avec bienveillance. Relative tout de même…

Pourquoi utiliser un surnom plutôt que votre identité réelle, Guy Verstraeten ? Parce que j’ai un nom de comptable, voire de boucher chevalin, en tout cas pas un nom de music-hall. J’ai donc dû m’adapter. Guillermo Guiz est la juxtaposition de mes deux surnoms. Une espèce d’hybride bizarroïde de mon prénom dégueulasse.

Vous n’aimez pas votre prénom ? Guy, ça pue le sexe entre vieux. J’ai grandi dans les années 1980. Il faut se mettre dans la peau d’un ado de 17 ans, timide, en boîte et essayant d’aborder une fille. Quand il y parvient péniblement, il faut lui avouer comment il s’appelle… Ça fait partie des moments douloureux de la vie. Je n’ai jamais compris mes parents. C’est pourtant long une grossesse, on a un peu le temps de voir venir, t’as pas un pistolet sur la tempe t’obligeant à choisir entre Marcel, Guy ou Raymond !

Finalement, est-ce que vous avez un bon fond ? Hélas, je suis quelqu’un de vraiment décevant (rires). Ce spectacle est un peu une thérapie. Il me donne l’occasion de m’améliorer. Je ne suis pas certain d’avoir un bon fond, mais j’essaie d’être meilleur.

Propos recueillis par Julien Damien
Informations
Bruxelles, Centre Culturel d'Uccle
13.09.2017>14.09.201720h30, 26,50 > 11,50 €
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