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Quand le rire monte

De toutes mes forces © Michaël Crotto / TS Productions

Depuis Les Deschiens jusqu’à De toutes mes forces en passant par Séraphine, Yolande Moreau s’est imposée comme une artiste tout en relief. Actrice, mais aussi réalisatrice, la Bruxelloise collectionne les rôles et les récompenses avec une humilité qui force le respect. Après Guy Bedos l’an passé, le Brussels Film festival lui “fait sa fête” en juin. L’occasion rêvée de boire un p’tit verre de Gibolin !

Quelle adolescente étiez-vous ? Je ruais dans les brancards. Mais il y avait le contexte de l’époque, aussi, on était en plein mai 68. J’étais persuadée que le monde allait évoluer. J’en suis moins convaincue aujourd’hui. Je pensais que le mouvement hippie allait prendre de l’ampleur, qu’on allait vivre autrement… c’est assez utopique.

Avez-vous découvert le théâtre à ce moment-là ? Oui. J’ai suivi des cours de diction et de déclamation. J’ai réalisé mon premier spectacle avec Martine Wijckaert qui a fondé le théâtre de La Balsamine à Bruxelles. Puis j’ai été maman, très tôt, et suis revenue sur scène par le biais du théâtre pour enfants. On jouait dans des écoles et ça m’arrangeait bien, j’avais les mêmes horaires qu’eux (rires). Enfin, après un passage chez les clowns, j’ai monté mon premier solo, plutôt pour adultes, cette fois (Sale affaire, du sexe et du crime, 1982).

Comment êtes-vous passée du théâtre au cinéma ? J’ai obtenu un premier prix au festival de Rochefort qui m’a très vite portée sur le devant de la scène en France et au Canada. C’est ainsi que j’ai rencontré Agnès Varda, qui m’a proposé de jouer dans Sans toit ni loi (1985). Pendant le tournage, j’ai sympathisé avec Jacques Deschamps (son assistant réalisateur, ndlr). Il m’a alors parlé de Jérôme Deschamps des Deschiens…

Comment avez-vous approché cette compagnie ? Un jour j’ai lu dans Libération un article dans lequel Jacques Deschamps regrettait qu’on gomme tous les défauts d’une personne dans les cours d’acteur. Cela me parlait totalement. J’ai eu envie de les rejoindre, j’ai écrit à Jérôme Deschamps qui m’a invitée à travailler avec lui.

Ce passage dans cette compagnie vous a-t-il éloignée du cinéma ? En effet, je m’en suis détourné un long moment. Je suis quand même restée 12 ans chez Jérôme Deschamps, avec lequel on tournait tout le temps.

En matière de cinéma, où va votre préférence ? C’est toujours une histoire de rencontre. Tout d’abord avec le scénario puis le réalisateur. Je pense qu’après Les Deschiens, on m’a prise pour la rigolote de service, on me proposait souvent des petits rôles et heureusement, Quand la mer monte a ouvert le jeu. Après cela, Martin Provost m’a appelée pour Séraphine.

Vous êtes aussi passée derrière la caméra, avec Henri et Quand la mer monte, et avez réalisé en 2016 un documentaire sur les réfugiés de Calais, Nulle part, en France. De quoi s’agit-il ? C’est Arte qui m’a donné cette carte blanche. Je ne connaissais rien à l’exercice mais justement, il s’agissait d’apporter un autre regard, peut-être moins formaté. Face à cette montée des extrêmes, je devais accepter de prendre la parole. Il fallait mettre un visage sur ces destins si tragiques. J’avais aussi envie que les Calaisiens s’expriment et se rendent compte que ces migrants auraient pu être leur frère, leur ami, leur père…


Justement, avant la présidentielle, on vous a entendue réciter un poème plutôt engagé à la radio… Oui. Pendant l’entre-deux tours, j’ai lu étrange étranger de Prévert sur France Inter. Un texte salutaire alors qu’on assiste à la montée des extrêmes et au repli sur soi un peu partout en Europe.

Vous nourrissez une appétence pour la poésie, n’est-ce pas ? Sans être une férue, j’aime les mots. D’ailleurs, avec les Têtes Raides, on crée un spectacle à partir des poèmes de Jacques Prévert, que je trouve d’une grande actualité. J’apprécie ses vers populaires qui, en même temps, résonnent d’une étrange manière.

On vous a vue dans De toutes mes forces et vous serez bientôt à l’affiche de Crash Test Aglaé, pourriez-vous nous en parler ? C’est une comédie. L’histoire de trois filles dont l’usine est délocalisée en Inde. On leur propose d’y aller et, contre toute attente, elles acceptent. Je trouvais ça original. Il y a un beau casting, notamment Julie Depardieu avec qui je suis restée très proche, elle vient chez moi cet après-midi, d’ailleurs.

Quels sont vos projets ? Ce spectacle sur Prévert dont on a parlé plus tôt, avec les Têtes Raides. Cet été je tourne avec Delépine et Kervern et suis très heureuse de les retrouver. Il y aura aussi Jean Dujardin. Je vais ensuite jouer dans un film de Valeria Bruni-Tedeschi.

Quel est le titre ? Heu… Je ne me rappelle, pas. Attendez… Non, je n’vois pas ! (rires)

Propos recueillis par Sonia Abassi

De toutes mes forces

De Chad Chenouga, avec Khaled Alouach, Yolande Moreau, Laurent Xu… En salle

Crash Test Aglaé

De Eric Gravel, avec Yolande Moreau, Julie Depardieu, India Hair… Sortie le 02.08

La fête à Yolande Moreau, Brussels Film Festival Bruxelles – 10.06, Théâtre 140, 20 h 30, 28 / 25 €

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