Rendez-Vous de la BD d’Amiens

En 2017, nul besoin de rappeler que la bande dessinée est un art à part entière. Surtout en France, « deuxième marché mondial, devant les Etats-Unis mais loin derrière le Japon et leurs mangas » souligne Pascal Mériaux, directeur de “On a Marché sur la bulle”. Certes, « très diversifiée sur le plan artistique, la BD demeure pourtant méconnue. C’est dû à sa maturité tardive. Si le format tel qu’on le connaît a été créé en 1827 par le Suisse Rodolphe Töpffer, avant d’exploser à la fin de XIXe siècle aux USA avec l’invention de la bulle, il fut longtemps confiné à l’enfance, avec Tintin ou Spirou ». Il a fallu attendre la fin du siècle dernier et l’arrivée de revues comme (A suivre) ou Corto Maltese pour enfin le voir s’émanciper. « Au milieu des années 1990, il s’empare alors d’autres champs comme l’autobiographie (avec Persepolis), le documentaire, etc. ».

Initiés en 1996 par des passionnés, Les Rendez-Vous de la BD n’ont d’autre but que d’ouvrir au plus grand nombre les portes de ce vaste monde. « C’est une manifestation généraliste, populaire mais aussi pointue. Nous choisissons les auteurs nous-mêmes, sans les éditeurs. On trouve assez peu de marchands sur place, conformément à notre démarche de passation et de médiation, entamée par l’association ».

Brüno, ed Dargaud

On quitte la planche

Parmi les quelque 80 noms qu’affiche cette 22e édition, impossible de louper Charlie Adlard, le dessinateur de la série Walking Dead. « C’est sa seule date européenne cette année, c’est énorme ! ». Pour l’occasion, le Britannique dévoile une centaine de ses planches originales, réalisées au crayon et à l’encre. Pendant ce temps, les plus jeunes devraient poser quelques questions à Emmanuel Guibert et Marc Boutavant, papas de Ariol, véritable phénomène de librairie.

Des styles variés donc et « mille et une façons d’aborder la BD ». Entre les rencontres ou les ateliers, on assiste à des spectacles vivants (tel ce concert-dessiné réunissant JP Nataf et Alfred) et, bien sûr, nombre d’expositions, la marque de fabrique de l’événement. Notons ainsi cette rétrospective consacrée à Brüno, qui signe l’affiche du festival, où l’on devine Jules Verne dans un style rétro-futuriste. L’auteur du célèbre Tyler Cross fut déjà invité en 2005, à la faveur de sa sublime adaptation de 20 000 lieues sous les mers. On en (re)découvre ici les planches, ainsi que son travail autour de la Black Music, album réalisé avec Hervé Bourhis dans lequel ils racontent leur passion pour la musique noire.

Au-delà de la case

On le sait, la BD n’obéit désormais plus à aucune règle stylistique ou narrative. Elle s’affranchit des marges, comme le révèle Hors Cases. Montée à la maison de la Culture d’Amiens, cette exposition rassemble les œuvres de neuf créateurs contemporains, repoussant les limites naturelles de la planche. « Durant longtemps, il y a eu d’un côté les dessinateurs de petits Mickeys et de l’autre les grands artistes, voici un joli panorama d’auteurs naviguant de l’un à l’autre ». Tels ces dessins à l’encre de Lorenzo Mattotti, les tableaux de Stéphane Blanquet, renvoyant à Jérôme Bosch ou ce récit en 3D du tandem Florent Ruppert et Jérôme Mulot. « Leur tour rotative de deux mètres montre l’évolution humaine, de la gangue de laquelle l’Homme s’extrait jusqu’à sa mort ». Oui, ils ont tous une sacrée case en plus !

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