Home Théâtre & Danse L’Amour et les forêts

Réalité augmentée

Laurent Bazin adapte le beau roman d’Eric Reinhardt, L’Amour et les forêts, en présence d’Isabelle Adjani. Ou, plutôt, avec sa voix et son image. L’actrice est ici dématérialisée au profit d’une mise en scène sensorielle et immersive, nous plongeant au coeur de l’âme humaine.

Dans L’Amour et les forêts (2014), Eric Reinhardt dresse le portrait d’une Bovary des temps modernes. L’histoire d’une prof de français, Bénédicte Ombredanne, confiant à un écrivain qu’elle admire son enfer conjugal, sous le joug d’un mari pervers… L’auteur (Reinhardt lui-même) restitue alors le combat intérieur de cette idéaliste éprise d’amour et de liberté, entre onirisme et réalité, fantasme et cruauté. Comme pour beaucoup, cette lecture fut « un choc » pour Laurent Bazin. « Le livre a agi sur moi comme une catharsis, il m’a essoré. J’y ressentais à la fois le plaisir pour une langue, la beauté fracassante d’un destin, mais aussi la jubilation d’images fortes résonnant avec mon travail plastique ». S’il reste fidèle à la trame du récit, difficile pour autant de transposer sur les planches cette langue très crue, triviale. « Je n’aurais pas pu restituer cette violence avec autant de vérité à travers un théâtre de la parole ».

Défi technique

Le parti-pris fut donc de matérialiser ces sentiments, qui sont autant de paysages intimes sublimes et effrayants, à travers l’image et le son, « sans passer par les mots mais en allant directement au résultat ». Tenancier d’un théâtre hybride, à la frontière des arts plastiques, Laurent Bazin déploie de considérables moyens techniques. Sur scène, ses quatre acteurs évoluent dans une ambiance sonore spatialisée, au sein de ce qui semble d’abord une cage transparente. Ils sont en réalité entourés par « la cerce », soit un cerceau de fer de six mètres de diamètre, équipé de projecteurs et vidéoprojecteurs tournant autour des personnages. « C’est l’incarnation du narrateur, qui scrute et interroge en direct ses créatures de roman ». Cet « animal-machine » est “habité” par Isabelle Adjani, physiquement absente du plateau, mais dont la voix enregistrée et l’image mouvante, évanescente, la rendent omnisciente. Un rôle sur-mesure, et une création très attendue.

Julien Damien
Informations
Valenciennes, Le Phénix

Site internet : http://www.lephenix.fr

07.06.2017>09.06.201720 h, 29 > 10 €
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