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Sur la route

On l’avait quitté en 2014 avec Phonovisions Symphonic Orchestra. Jean-Christophe Le Saoût, aka Wax Tailor, revisitait alors dix ans de tubes (Que Sera, Seize The Day…) avec un orchestre symphonique. Le revoici avec By Any Beats Necessary, un cinquième album teinté de blues, de rock et de hip-hop. Celui-ci a été imaginé lors d’une tournée aux états-Unis mais composé dans sa ville natale de Vernon. On a rencontré ce sculpteur de sons lors d’une résidence à l’Aéronef à Lille tandis qu’il peaufinait son show, entouré de deux rappeurs, d’une joueuse de flûte traversière, d’un contrebassiste… Classe, quoi.

Comment cet album est-il né ? J’avais le titre en tête depuis longtemps. Il fait référence à une phrase de Malcolm X, « By any means necessary », qui lui-même s’était inspiré des Mains sales de Sartre. Ce n’est pas le fruit du hasard.

Pourquoi ? C’est le hip-hop qui m’a attiré vers la musique à la fin des années 1980, en particulier des groupes comme Public Enemy pour qui Malcolm X était une icône. En parallèle, Sartre reste l’une de mes grandes références. Ma culture musicale très américaine rencontre donc mes notions littéraires plus françaises.

Comment cela se traduit-il ? By Any Beats Necessary traduit bien ma démarche. Cela signifie que mon projet musical peut recourir à n’importe quel type de son. Là-dessus est venu se greffer un angle inattendu : le « road trip » américain.

Comment a-t-il été déclenché ? Après Phonovisions Symphonic Orchestra on m’ a proposé une tournée d’un mois aux Etats-Unis, que j’ai d’abord déclinée puis acceptée. Je me suis alors rendu compte que ce besoin de prendre un sac pour partir à l’autre bout du monde était essentiel pour moi, si ce n’est pathologique. J’avais aussi relu On the Road de Kerouac. Petit à petit j’ai commencé à me raconter ma propre histoire, en y incluant la Beat Génération.

Cet album est-il conçu comme un voyage à travers une Amérique fantasmée ? Oui, mais aussi à travers le temps et l’espace. On évolue de ville en ville et d’un courant à l’autre. De cette façon, j’associe des lieux à des périodes musicales. Le sud des états- Unis me ramène au blues des années 1940. Quand on monte vers Chicago on rejoint la soul des années 1960- 70 tandis que New-York m’évoque le hip-hop des années 1990…

Vous multipliez les collaborations prestigieuses ici : Lee Fields, Tricky, Ghostface Killah… Quelle fut la plus marquante ? Lee Fields, mais le contexte a aussi compté. On a enregistré à New-York lors d’une séance dans un studio vintage, très classe, le jour de la disparition de Prince…

Travailler avec Ghostface Killah du Wu-Tang Clan, c’est un rêve de gosse, non ? Complètement ! Mais, honnêtement, je suis plus fier de compter sur l’album la chanteuse IDIL ou les rappeurs A-F-R-O et Token qui ont à peine 18 ans. C’est la découverte de jeunes talents qui m’intéresse avant tout.

Que verra-t-on sur scène ? C’est un live plus organique, moins narratif que les précédents. Pour cet album, j’avais besoin d’une énergie plus brute. Il y a donc un batteur sur scène, ce qui permet de débrider les morceaux. L’installation scénique s’appuie sur les lumières et les vidéos. Il s’agit d’asseoir le propos avec des atmosphères et des tableaux.

D’une façon générale, comment définiriez-vous votre style ? On m’a collé beaucoup d’étiquettes sans jamais viser juste. J’ai moimême souvent parlé de hip-hop orchestral ou d’électro-cinématique… disons que j’ai le sentiment de composer une musique populaire et exigeante. Elle ne repose sur aucun code complexe. Ce sont des morceaux « couplets / refrains » qui comprennent différents niveaux de lecture et une certaine finesse d’arrangement.

Pourquoi utilisez-vous aussi régulièrement des extraits sonores, notamment tirés du cinéma ? Pour injecter du sens, et puis parce qu’il y a une musicalité dans le phrasé, le dialogue. Cela renvoie au début du hip-hop, au sampling, au break. On n’est pas loin du spoken word, d’une culture initiée par Gil Scott-Heron. Je puise ces extraits dans le cinéma, mais aussi dans des leçons d’anglais audio, des contes pour enfants… J’ai ainsi des tonnes de vinyles de Disney chez moi.

Peut-on dire que vous êtes plus connu aux états-Unis qu’en France ? Certes, mon travail est bien accueilli aux états-Unis, mais en France aussi. C’est une impression due à un manque d’exposition médiatique.

Parce qu’il est difficile de vous « classer » ? Certainement. Quand j’ai commencé on était tous très sectaires. Les gens qui évoluaient dans la house, la techno, le rock ou comme moi dans le rap s’observaient bizarrement, sans se mélanger. Et puis il y a 15 ans, j’en ai eu marre. Je suis sorti de ma bulle pour m’ouvrir à tous les genres. Ce fut décisif dans mon travail, mais les médias n’ont toujours pas compris que je ne voulais pas choisir. Mais franchement, est-ce que je suis le seul à écouter dans la même journée John Coltrane, Billie Holiday et Radiohead ? Je ne crois pas.

Propos recueillis par Julien Damien
Concert(s)
Wax Tailor
Lille, L'Aéronef

Site internet : http://www.aeronef-spectacles.com/

08.12.2016 à 20h0026>14€
Wax Tailor
Bruxelles, Ancienne Belgique

Site internet : www.abconcerts.be

06.12.2016 à 20h0029>28€
Wax Tailor (annulé)
Anzin, Théâtre d'Anzin
01.04.2017 à 20h3015/12€

A écouter : By Any Beats Necessary (Le Plan / Lab’Oratoire)

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