Home Cinéma Ma vie de Courgette

Destins animés

Pas facile la vie de Courgette. Ce petit garçon vit seul avec sa maman, qui boit beaucoup de bière depuis que son papa s’est « envolé avec une poule ». Et puis un jour, elle « part au ciel ». Courgette atterrit dans un foyer. Avec Simon qui joue au caïd pour oublier ses parents toxicos, Béatrice qui attend sa maman expulsée… Mais ces bouts de chou qui n’ont « plus personne pour les aimer » vont se créer une nouvelle famille… Sensation du dernier festival de Cannes, ce film d’animation nous a fait autant pleurer que rire. Rencontre avec son réalisateur, le Suisse Claude Barras.

Comment ce film est-il né ? De ma lecture du roman de Gilles Paris, Autobiographie d’une Courgette. Cela a été un coup de foudre. Il est question d’un petit garçon qui a perdu sa mère, se retrouve en foyer et rencontre d’autres enfants aux parcours difficiles. Cela pourrait être triste mais ce qui se passe entre eux, cette nouvelle famille qu’ils sont en train de créer, c’est très beau. L’ensemble est écrit du point de vue d’un enfant qui porte un regard naïf sur le monde des adultes. On essaie de traduire cette émotion dans ce film.

Qu’est-ce que l’enfance pour vous ? C’est un paradis perdu. Il y a une part d’enfant qui subsiste en nous et c’est elle que je veux réveiller.

Le film évoque des thématiques sociales dures, inhabituelles dans ce genre de format… Oui, je souhaitais réaliser un film d’animation inspiré du réalisme social, comme chez Ken Loach ou les frères Dardenne, que j’admire. Je voulais ouvrir les plus jeunes à ce type de cinéma. C’était un pari. Il fallait rester subtil, notamment sur le passé douloureux des personnages, pour ne pas heurter le jeune public et préserver l’intérêt des adultes.

Comment les figurines ont-elles été réalisées ? On les a d’abord dessinées avant de les sculpter en pâte à modeler. A partir de ces sculptures de 15 cm, le chef constructeur des marionnettes a moulé les parties du corps en silicone et mousse de latex. Puis des équipes ont construit des armatures en acier à l’intérieur pour leur prêter des mouvements. De leur côté, les costumières ont fabriqué de petits vêtements. La tête est une coque vide imprimée en 3D, les yeux sont deux boules fixées à l’intérieur. Enfin, il y a un système d’aimantation permettant de jouer avec les bouches, les paupières et varier les expressions du visage.

Comment tout cela est-il animé ? En stop motion, image par image. Mais l’animation s’appuie sur le travail avec les enfants. On a d’abord enregistré leur voix. Ils ont joué chaque scène l’une après l’autre, découvrant progressivement le film.

Ont-ils vraiment interprété chaque personnage ? Oui. Souvent, dans les films d’animation, chacun récite sa partie derrière un micro et dans son coin. Mais ici, dans un souci de réalité, on a choisi des enfants qui n’étaient pas acteurs mais dont la personnalité était proche de celles des personnages. Puis, les manipulateurs ont synchronisé leurs paroles aux bouches des figurines. L’originalité du film repose en partie sur le réalisme des voix.

Vous avez conservé beaucoup d’erreurs de langage qui donnent aussi du charme au film… L’idée était de préserver un langage enfantin naturel. Cela contraste avec l’univers graphique qui est assez décalé : de grosses boules avec de gros yeux en guise de tête, des décors épurés… Le réalisme repose plutôt sur les dialogues, le tissu des vêtements ou l’éclairage, qui fait briller les yeux.

Pourquoi avoir privilégié une esthétique assez « simple » ? Pour que l’on s’attache aux personnages. Plus ils semblent réels et moins on parvient à y projeter nos émotions. Paradoxalement, plus on imite graphiquement la réalité, notamment avec la 3D, et plus il devient difficile de ne pas voir que c’est faux.

On ne peut s’empêcher de penser à Tim Burton ici… Oui, c’est une de mes sources d’inspiration. J’adore ses premiers films d’animation, surtout L’étrange Noël de monsieur Jack.

Êtes-vous intervenu pour la bande-son ? Oui, alors que, question musique, j’avais un déficit. Les producteurs m’ont donc incité à choisir des morceaux que j’aimais. C’est pourquoi, on entend Eisbaer de Grauzone, les Béruriers Noirs et la reprise de Le vent nous portera par Sophie Hunger. C’est elle qui a composé la BO.

Votre prochaine réalisation sera aussi un film d’animation ? Oui, je ferai du stop motion toute ma vie ! En ce moment, il y a d’ailleurs un orang-outan qui s’accroche à moi…

Propos recueillis par Julien Damien

Film d’animation de Claude Barras, Sortie le 19.10

A lire: Autobiographie d’une Courgette, de Gilles Paris (Flammarion), 284 p., 4,90 €

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