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Lunaire de rien

On n’en menait pas large au moment d’interviewer Chris Esquerre. Après s’être bidonnés devant sa « revue de presse des journaux que personne ne lit », on a eu un peu peur de l’inspirer… Mais derrière ce visage juvénile (malgré ses 41 ans) se cache un vrai gentil. Et l’un des types les plus drôles de France. Avant de revenir sur Canal+ au printemps avec Importantissime, ce prince (sans-rire) du nonsense dévoile son nouveau spectacle à Lille, au Prato.

Comment définir ton humour ? J’évite d’utiliser le mot « absurde », il prend vite une connotation « rasoir ». Beaucoup en font un truc « chiant »… Sinon, on dit de moi que je suis « pince-sans-rire ». Effectivement, je reste sérieux sur scène, maniant un humour au second degré. Mais il ne s’agit pas de stand-up car je joue un personnage.

Tu as aussi cette particularité de ne pas être « méchant ». Tu te moques surtout de toi-même… Oui, parce que cela me met mal à l’aise d’égratigner les gens. Et puis il est plus intéressant de creuser son propre ridicule. De toute façon je ne sais pas balancer de vannes, j’ai donc dû cultiver autre chose.

Ton parcours est assez atypique. Tu as d’abord été consultant chez Andersen Consulting… Effectivement, on ne peut pas être plus loin de l’humour ! J’étais en costume-cravate, essayant de donner le change… ça a duré un an. Ensuite j’ai travaillé pour une petite société de conseil en communication.

Société qui s’appelait d’ailleurs… Humour Consulting Group ! Oui. Mais elle avait un objectif très sérieux : utiliser l’humour pour déverrouiller un tas de situations dans les entreprises… pas pour licencier des gens ou annoncer des mauvaises nouvelles ! C’était cool mais au bout de deux ans je m’ennuyais, et puis j’étais déjà n°2 de ce groupe de trois personnes, alors à part attendre la mort de mon patron…

Tu t’es donc dirigé vers la radio… Oui, je ne connaissais personne dans le milieu alors j’ai envoyé des maquettes de faux reportages un peu partout. Il s’agissait de petits projets enregistrés avec un micro dans la rue. Ça a démarré comme ça.

Et ensuite ? Je suis passé par France Bleu, j’ai réalisé des portraits d’invités sur Nova qui me rapportaient 50 balles par semaine, donc à côté je conduisais des camionnettes, faisais des petits boulots… Puis Canal m’a appelé.

Finalement, tu as mis du temps avant de monter sur scène… C’est vrai, cela ne m’intéressait pas. Je trouvais suspect, voire malhonnête de rabâcher tous les soirs la même chose à des gens qui attendent dans le noir et qui ont payé pour ça.

Qu’est-ce qui t’a motivé ? Au bout de trois ans de télévision j’étais rincé. Je ne parvenais plus à écrire de chronique. Dans ce cas il ne faut surtout pas persévérer car tout le monde voit que tu deviens mauvais. Je me suis donc dit : « puisque tu t’es spécialisé dans l’humour, il faut monter sur scène ». J’y suis donc allé un peu à reculons mais je n’avais pas le choix. Il fallait bien que je vive et je n’avais pas envie de remettre mon costard !

Tu as donc abordé la scène comme une épreuve ? Oui. Cela me faisait peur parce que je ne n’avais rien joué d’autre que cinq minutes du Bourgeois gentilhomme en CM2, ce qui est assez limité en terme d’expérience théâtrale. Mais le plaisir est venu progressivement.

Quel est le sujet de Sur rendez-vous, ton nouveau spectacle ? C’est un seul en scène, pas une suite de sketchs. Il sera question de la création au sens large…. mais je ne veux pas déflorer le sujet. De plus c’est irracontable, comme essayer d’expliquer à quelqu’un le goût du chocolat ! On ne lui donnera pas envie d’en manger.

Est-il dans la continuité du premier spectacle ? Oui, c’est le même personnage, sauf qu’il n’y a plus de revue de presse ni de projection, ce n’est plus une conférence. Ceux qui ont aimé le premier spectacle apprécieront aussi celui-ci. Quant à ceux qui ne me connaissent pas, je leur conseille de regarder des vidéos sur le Net pour se faire une idée de mon style.

J’ai lu que tu travaillais toujours avec un Grevisse ? Oui, j’aime la langue française, ça tourne à l’obsession. Je peux passer une heure à m’interroger sur la place de quelques mots. Mais on est obligé de faire des entorses sur scène car il faut aussi parvenir à faire oublier que c’est écrit pour être dit. C’est passionnant.

Pourquoi jouer la première au Prato ? Parce que Gilles Defacque est le premier avoir accueilli mes spectacles. C’est quelque-chose qu’on n’oublie pas. Et puis j’étais un fidèle du Prato quand je vivais à Lille, depuis la fin du collège jusqu’à mon deug d’éco. Je me sens bien ici.

Si tu n’avais pas été humoriste, qu’aurais-tu fait ? Peut-être garagiste ou chanteur.

Propos recueillis par Julien Damien
Informations
Lille, Le Prato

Site internet : http://www.leprato.fr

11.10.2016>12.10.201620h, 17>5€
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