Home Exposition Weegee by Weegee

Retiens la nuit

Henri Rosen et Harvey Stemmer arrêtés au Collège de Brooklyn
pour avoir corrompu des joueurs de Basket, New York, 25 juillet 1945.

Entrer dans le monde de Weegee (1899 -1968), c’est plonger dans un film noir. Celui de l’Amérique de la Grande Dépression, les années 1930-40, avec son cortège de meurtres sanglants, sa pauvreté et sa faune hétéroclite. Le Musée de la Photographie de Charleroi rend hommage au travail de ce photojournaliste et artiste (très) loin des clichés.

Voilà un personnage fascinant. Né Arthur Fellig, ce fils d’immigrés autrichiens débarque à Ellis Island en 1910. Il a dix ans. De condition très modeste, il quitte l’école et sa famille jeune. Entre deux vagabondages, il survit comme vendeur de voitures, confiseur, avant de se faire tirer le portrait par un photographe de rue. Le déclic. Dès lors, il parvient à entrer comme employé de labo au sein de l’agence ACME Newspictures, avant de se mettre à son compte, à l’âge de 35 ans. La radio de sa Chevrolet branchée sur les fréquences de la police (sa voiture est équipée d’une chambre noire dans le coffre !), il arpente les rues de la Grosse Pomme, la nuit, en quête de faits divers, souvent le premier sur le lieu du crime. « C’est un chasseur », selon Xavier Canonne, directeur du Musée de la Photographie de Charleroi. Meurtres, incendies, arrestations de caïds… Il mitraille le quotidien nocturne et macabre d’un New-York violent, en pleine crise économique, bien aidé par une invention remarquable : le flash à ampoule, qui forge son style. Ses sujets, cadrés au plus près, semblent en effet découpés dans les ténèbres, statufiés en un instant éternel. Ses clichés abreuvent la presse populaire (le New York Post, le Daily News…). Ils témoignent, aussi, de la face cachée du rêve américain. Celle des déclassés, des bars glauques, des marginaux…

Esprits – Ce petit bonhomme cigare au bec devient Weegee, « sans doute une référence au Ouija, cette planche de spiritisme utilisée pour communiquer avec l’au-delà ». Mais il n’y a pas que des morts dans son album-photo. La parution de son premier livre, Naked City, en 1945, fait de lui un artiste reconnu (et modèle d’un certain Stanley Kubrick). L’autoproclamé « The Famous » se voit ouvrir les portes d’Hollywood et son cortège de stars et de fêtes, nourrissant une œuvre foisonnante que restitue cette exposition carolo. 120 clichés sont présentés dans un parcours thématique : « les meurtres », « les incendies », « les célébrités » ou, plus étrange, « la solitude ». « Oui, car ses images montrent aussi comment, dans une ville de dix millions d’habitants, les gens peuvent être seuls ». Un bel instantané de la vie moderne.

Julien Damien
Informations
Charleroi, Musée de la Photographie

Site internet : http://www.museephoto.be

28.05.2016>04.12.2016mar > dim : 10 h > 18 h, 7 / 5 / 4 € / gratuit (-12 ans)
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