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Nouveau western

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Des indiens et des cowboys près de Bruxelles ? Un endroit hors du temps où l’on mange du foie de bison cru avant de dormir dans des tipis ? assistons-nous au tournage de la suite de The Revenant ? non… nous sommes à Texas City, le premier village western belge, fondé après l’exposition universelle de 1958. Une histoire où l’on croise le descendant de Sitting Bull, le (vrai !) cheval de Zorro et une légende du rodéo !

Situé à Tremelo, au nord de Bruxelles, le coin est en pleine effervescence pour le rassemblement du printemps, malgré les bâtiments qui menacent de s’effondrer. Sur un terrain qui accueillait autrefois un hôtel, une église (la réplique de celle de La petite maison dans la prairie) et une écurie, le saloon tient encore debout. à l’intérieur, on plonge dans l’ambiance des films de John Wayne : des bottes pendues au plafond, des fers à cheval et autres reliques. Surtout, à droite du bar, une photo. On y voit le Belge Marcel Kesteman et le chef indien Dave Bald Eagle posant au milieu d’un ranch, aux états-Unis. Carol, propriétaire du lieu, nous explique que Dave faisait partie des fameux Indiens abandonnés par les USA après l’Exposition universelle de Bruxelles, en 1958. Certains n’ayant pas eu les moyens de rentrer chez eux fondèrent ici Texas City avec Marcel !

Texas City © Lastrolab

Cette rocambolesque histoire démarre il y a un demi-siècle, lorsque 52 nations et 42 millions de visiteurs célèbrent à Bruxelles l’avènement du monde moderne. Chacun cherche à tirer son épingle du jeu à l’aube de l’ère nucléaire… En pleine période des Trente Glorieuses (1946-75), les états-Unis brandissent leur American way of life tandis que la Belgique dévoile son Atomium. Profitant de cet engouement, Verne Elliot, un promoteur américain, organise un show western spectaculaire. Il convie 76 authentiques cowboys et cowgirls, 55 Sioux, 50 chevaux, 15 buffles et 40 boeufs dans la capitale belge. Le Wild West Show promet aux Belges des champions de rodéo tel Casey Tibbs, le « cowboy chéri de l’Amérique » ! Au programme, plus de 18 actes avec des attaques de calèches et du lasso à gogo. Les plus petits détails garantissent la véracité de la reconstitution. Les Indiens doivent vivre dans des tipis et parcourir les rues en costume tout en lançant des « How ! » ; les cowboys se baladent en blue-jeans ou frontier pants (pantalon de pionnier) en s’écriant « Ma’am » ou « Howdy ». Mais la Belgique n’est pas le Texas : l’immense tente montée pour l’occasion ne résiste pas au vent et une pluie diluvienne rend le terrain impraticable. Le show est en faillite. Les promoteurs se sauvent avec la caisse (2 millions de dollars) en laissant derrière eux cowboys et Sioux complètement fauchés.

Texas City © Lastrolab

Tornado – Tandis que l’exposition ferme ses portes le 19 octobre 1958 sous les feux d’artifice, les cowboys tentent de vendre bottes et chapeaux pour manger. Casey Tibbs est même contraint de céder son cheval. Pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de Midnight, l’interprète de Tornado, fidèle destrier de Zorro ! Rapidement, l’ambassade américaine n’en peut plus des cowboys installés dans son hall d’entrée qui chopent les femmes au lasso. Après des semaines de galère, la majorité d’entre eux parvient enfin à reprendre l’avion contre remboursement des frais à l’état américain. Mais Dave Bald Eagle, arrière petit-neveu de Sitting Bull, ne rentre pas tout de suite. Car au détour d’une représentation bruxelloise, il est tombé amoureux de Josée, la fille de Marcel Kesteman. Ce dernier, fasciné par le show, en a profité pour racheter tout ce qu’il pouvait : six chevaux, deux wagons, une diligence et tous les bâtiments annexes. Par chance, il loue un terrain dans le Brabant flamand qu’il n’utilise pas. L’emplacement idéal pour le premier village western de Belgique : Texas City est né ! Il marque le début de l’indianisme en Belgique, un « hobby » consistant à étudier le mode de vie des Indiens d’Amérique et rejouer des scènes historiques. Tout est reproduit dans les règles de l’art : tipis, mocassins, revolvers, nourriture… Carol, alors âgée de 15 ans, se passionne pour l’endroit. Au point de s’y installer, en 1979. Elle y a élevé sa famille avant de le racheter.

Texas City © Lastrolab

La hache de guerre – Aujourd’hui, elle perpétue les gestes des ancêtres d’Amérique lors de trois rendez-vous annuels ouverts au public : on intronise un Indien, s’échange des conseils couture (des os en guise d’aiguille ou des nerfs pour le fil). Carol insiste : « C’est du sérieux, on ne joue pas aux cowboys et aux Indiens ». Entre temps, Marcel a rejoint sa fille partie vivre avec Dave* dans un ranch du Dakota du Sud (celui de la photo). Il est mort depuis plusieurs années. Longtemps menacé, Texas City s’accorde un peu de répit. La Région flamande exige sa destruction sous prétexte qu’il se trouve en zone verte. Carol et les siens résistent depuis des années, défendant ce qu’ils considèrent, à raison, comme un bout de l’histoire du pays. En attendant, la fête se poursuit au bar du saloon où Indiens et cowboys noient la hache de guerre dans une bonne bière belge !

 

Texte Hélène Molinari / Photo Nicolas Pattou

* Il est devenu chef de la tribu Minnicoujou et le Premier Chef des Nations unies Indigènes.

 

Texas City, Basdongenstraat 3, Tremelo
Historia mundi, De Ruiterij, Glabbeek,
25 & 26.06, 10 > 18 h, 10 / 5 € /
gratuit, www.historia-mundi.be
Ferme des Bisons et Musée de la vie
indienne, Recogne 81, Bastogne,
09, 10, 24, 31.07, 02 > 21.08,
(Indian festival, 09 & 10.07),
www.fermedesbisons.be
Atomium, Bruxelles, tlj, 10 > 18 h,
12 € > gratuit, www.atomium.be

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