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C’est l’amour

Mis à l’honneur en 2012 par le Centre Pompidou, José Luis Guerin est encore trop méconnu. Son œuvre, entamée il y a trois décennies, compte pourtant parmi les plus délicates du cinéma contemporain. Variation sur le sentiment amoureux et le langage, L’Académie des muses en offre une nouvelle fois la preuve.

Guerin n’a jamais eu le goût des frontières trop étanches. Notamment celle qui sépare la fiction du documentaire. Qu’est-ce qui est « réel » dans L’Académie des muses ? La fonction de chacun, sans doute. On rencontre ainsi un professeur de philologie, son épouse elle-même philologue, et des étudiant(e)s. Ensemble, ils discutent de Béatrice et Dante, d’Eurydice et Orphée, de Guenièvre et Lancelot. Conversations érudites, certes, mais dont ne sont jamais exclus les sentiments. Car l’enjeu est bien existentiel : qu’est-ce qu’une muse aujourd’hui ? Comment dire l’amour revient (ou non) à le faire ? Comédie de l’amour et du savoir, L’Académie des muses traverse a priori des terres bien arpentées, notamment par Rohmer. Mais ce qui frappe, c’est la manière dont Guerin ouvre le petit théâtre de l’intime à tout ce qui l’entoure. En sortant de l’amphithéâtre, d’abord, pour aller par exemple écouter le chant des bergers sardes (superbe séquence). Ou encore en jouant des reflets. Les visages se confondent ainsi avec les paysages qui les entourent, les pénètrent, les colorent. Les variations « climatiques » se font peu à peu le relais des affects. Simple, la mise en scène s’avère encore le meilleur chemin vers la grâce. Et l’amour.

Raphaël Nieuwjaer

De José Luis Guerin, avec Raffaele Pinto, Emanuela Forgetta, Rosa Delor Muns… Sortie le 13.04

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