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Le jeu de la vérité

Photo Jacques Charlier, Peintures sous hypnose, acrylique sur toile,
100 x 120 cm, 2015

L’art contemporain est-il une vaste fumisterie ? Sommes-nous libres d’apprécier la qualité d’une œuvre ? Peut-on faire confiance aux critiques ? Voilà les questions qu’on se pose en visitant l’exposition que le MAC’s consacre à Jacques Charlier. Depuis les années 1960, le Liégeois ne cesse de pasticher l’histoire de l’art en utilisant tous les médias, de la sculpture à la chanson en passant par la BD, la photographie. Centrée sur ses peintures, cette rétrospective donne à voir autant qu’à rire. Et à réfléchir.

« C’ est crédible, hein ? » Jacques Charlier se marre comme un enfant qui vient de jouer un vilain tour. Nous voici dans la première salle du parcours. Une quinzaine de toiles aux styles divers sont accrochées aux murs : figuration, abstraction… « Ah, regardez ! Voici le fameux Alexandre Brodinski ». Vous ne connaissiez pas cet artiste russe ? C’est normal, il n’existe pas. Pas plus que l’Italien Marangoni, figure de l’« Ultima visive », ou encore l’Allemand Kirchenfeld, auteur de fresques souterraines dans une carrière autrichienne en 1938… Eh oui, tous ces artistes sortent de l’imagination de Jacques Charlier. Conçue en 1988, cette série constitue le point de départ de Peintures pour tous !, qu’on peut appréhender comme une grande installation. « J’ai scénarisé l’espace du MAC’s pour lui donner l’apparence d’un musée sur la peinture, en revisitant l’art moderne de manière déconcertante ». Un bel exercice de pastiche pour ce caméléon qui s’est « beaucoup amusé » à réaliser tous ces tableaux. Au-delà des caricatures dont l’autodidacte a le secret, on trouve ainsi dans ce « faux musée » de la peinture italienne, des toiles expressionnistes, des aquarelles fractales qui semblent plus vraies que nature.

Manipulation ? – En jouant avec les codes de la peinture, cet « éclectique radical » fustige le marché de l’art qui, selon lui, « emprisonne » le créateur dans un style tout en imposant au public sa définition du beau. « Jacques fonctionne comme un antidote dans ce système, éclaire Denis Gielen, le directeur du MAC’s. Il pose un regard critique sur la façon dont ce monde influence notre manière de percevoir tel ou tel artiste. Il rééduque notre œil ». Un message qui s’incarne dans une pièce créée spécialement pour l’exposition : une chambre d’illusion d’optique. A l’intérieur, le visiteur voit ses proportions bouleversées, se muant tantôt en géant, tantôt en nain. « C’est une parabole montrant que notre perception du monde est un scénario : ce que nous croyons être la réalité est écrite par la pensée dominante. Ainsi l’histoire de l’art, et même l’Histoire en général, jusqu’au JT de De Brigode, nous imposent une vision. » Voilà une œuvre iconoclaste, drôle, certes, « mais l’humour est une chose sérieuse, tempère Jacques Charlier. Pour moi il ne s’agit pas d’une distraction comme dans Le Petit Journal où l’on ridiculise la politique… Moi je ne ridiculise pas l’art, je souhaite au contraire qu’on s’y intéresse davantage. L’humour n’est qu’une manière de nous mettre à l’aise, ici on ne s’agenouille pas devant les tableaux. » Mais on se gratte sacrément la tête…

Julien Damien
Informations
Hornu, Mac's

Site internet : http://www.mac-s.be

Ouvert du mardi au dimanche de 10 à 18 h, à l’exception des périodes de montage et démontage d'exposition.

28.02.2016>22.05.2016mar > dim : 10 h > 18 h, 8 / 5 / 2 / 1,25 € / gratuit (-6 ans)
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