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Le beau bazar

© Lucie Bevilacqua

Avec ce 13e album, Les Vestiges du chaos – qui a failli s’appeler Moi tout craché –, Christophe a dû larguer ses dernières amarres. Le chanteur qui rassemble autant les fans de variétés que les adeptes des nouvelles sonorités renoue ici avec sa propre histoire. Et rencontre, enfin, le piano. Récit de la confection tumultueuse d’un chef-d’œuvre avec ce survivant revenu de tout, et en premier lieu de lui-même.

Comment est né Les Vestiges du chaos ? Je réalise un album sur 30 ans. Je crée chaque jour et ne jette rien. Tout peut ressortir d’un coup comme ici, lorsque les idées s’emboîtent. Ce disque est donc un mélange de nouveautés et de choses anciennes. En même temps, ce fut le plus difficile à achever, j’ai été obligé de déclarer la guerre à beaucoup de gens. Mais c’est aussi celui dont je suis le plus fier. C’est moi. Il m’a appris à m’apprécier.

Pourquoi celui-ci plus qu’un autre ? J’ai dû trouver ma route seul. J’ai failli arrêter, je m’étais brouillé avec toute l’équipe, j’en avais marre du showbiz, je voulais regagner ma maison à Tanger. Il a fallu que je reprenne confiance, que j’apprenne aux gens à me connaître et redonne une direction.

Concrètement, comment avez-vous travaillé ? Je suis un chineur plus qu’un chanteur. Mon truc, c’est la table de mixage, les effets. Ainsi, j’affiche ma couleur, ma différence. C’est difficile à expliquer car rien n’est formaté. Je ne travaille pas dans un studio mais chez moi, en tout petit comité. Je vis avec mes machines. Et avec le piano…

Justement, vous vous êtes sérieusement mis au piano : qu’a-t-il changé ? Tout pour moi qui n’était pas pianiste. Maintenant je suis libre. Je sais que je peux donner des concerts seul au piano, pour moi c’est une embellie. Si je ne vends plus de disques je pourrais jouer dans les bars, débarquer dans un port et m’asseoir derrière les touches.

Ce piano est présent sur Lou qui évoque plusieurs facettes de votre carrière (Ce mec Lou, La dolce vita, Aline…) Après la cassure avec l’équipe, c’est la première chanson que j’ai réalisée. En quatre heures, la nuit, j’ai tout craché de moi après avoir touché le fond. Je n’étais pas loin de la dépression. Lou Reed est arrivé là-dessus par hasard, suite à un texte que j’avais écrit lors de ma dernière rencontre avec lui à l’Olympia. Claire Le Luhern et Muriel Teodori, qui a vécu ses derniers instants, ont participé à l’écriture.

Continue-t-il de vous inspirer ? Bien sûr. Lou, Bowie, Elvis, je les écoute au quotidien. Comme Nick Cave, Thom Yorke, Trent Reznor. Les synthés dont je suis fier ici doivent beaucoup à Reznor. Penser à son travail m’aide à finir le collage, cela me donne des ailes. C’est un musicien tandis que moi je suis plutôt dans la trouvaille…

Et qui retient votre attention du côté francophone ? J’aime Sébastien Tellier et des groupes décalés comme Sexy Sushi. Booba aussi, c’est très large. Orties, le dernier De Palmas (La Beauté du geste)… Lui, depuis le début, j’ai pensé qu’il avait une dimension internationale. Je lui en ai parlé, il a rigolé. J’apprécie l’état d’esprit de Raphael, un vrai chineur lui aussi. J’aime les remixeurs. En ce moment, je commande des remixes qui ne sont exécutés que par des filles.

Comment l’inspiration vous vient-elle encore ? Grâce à la technologie, aux nouveaux sons, je suis dans la libido. Et avec le piano je ne peux plus me perdre, je peux produire un album dans la nuit. J’adorerais ça, l’album d’une nuit. Dans une autre vie…

A quoi peut-on s’attendre sur scène ? Il y aura du théâtre, je travaille avec le metteur en scène Jéremie Lippmann qui a monté La Vénus à la fourrure. Je prévois aussi des allers-retours, le groupe jouera rarement en même temps. Quelque chose de non formaté, de déconnant si j’ai envie, plutôt qu’un show à l’américaine.

Vous avez une conception très cinématographique de votre art… En effet, je projette des images tout le temps. Pour cet album je regardais un film par nuit. J’ai été influencé par le cinéaste italien Silvano Agosti et je me sers de son D’Amore Si Vive dans E Justo.

Pourtant, vous n’êtes pas intéressé par une carrière au cinéma… C’est vrai. Mais je vais peut-être apparaître dans le prochain film de Jean-Claude Brisseau (ndlr : Noce blanche, De bruit et de fureur), s’il accepte de réduire mes jours de tournage. Je l’aime beaucoup, Brisseau, c’est une sorte de Lou Reed du cinéma, non ?

Propos recueillis par Rémi Boiteux
Concert(s)
Christophe
Reims, La cartonnerie
26.05.2016 à 20h0039>30€
Christophe
Lille, L'Aéronef

Site internet : http://www.aeronef-spectacles.com/

11.06.2016 à 20h0033>20€

A écouter / Les Vestiges du chaos (Capitol/Universal), sortie le 08.04

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