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Une mère disparaît

© Alberto Novelli / Sacher Film / Le Pacte

Près de 15 ans après La Chambre du fils, Nanni Moretti affronte à nouveau la douleur de la perte. Dans Mia Madre, la mort n’est plus celle accidentelle d’un enfant, mais celle trop prévisible d’une mère. Sans se priver de faire rire, le cinéaste italien bouleverse aux larmes.

Des ouvriers s’avancent vers la police. Une banderole est déployée, des revendications clamées. Les manifestants tentent de franchir la grille de l’usine. « Coupez ! », crie Margherita, cinéaste quarantenaire reprochant à son chef-opérateur de filmer en plan trop rapproché les coups portés par la police. à la scène suivante Margherita est au chevet de sa mère, hospitalisée, en compagnie de son frère (Moretti lui-même). Le film ne cessera dès lors de passer du cinéma à la mort, du collectif à l’intime, de la comédie au drame et du rêve à la réalité. « Ça n’a pas de rapport, mais ça a un rapport », disait Moretti dans Aprile. Ces mots éclairent une grande partie de l’oeuvre. Nombre de ses films procèdent en effet par interruptions, dédoublements, empêchements, reprises. Ses personnages ne semblent jamais entièrement disponibles pour le drame. Une chose les occupe, une autre les préoccupe. De cet écart naît la mélancolie ou l’angoisse. Il faut voir comment Margherita s’efface devant son frère, comme si elle s’avouait incapable d’avoir la même prévenance à l’égard de leur mère. Mais c’est aussi cet écart – ce rapport sans rapport – qui permet de « mesurer à quelle distance de moi commence l’autre », pour citer Serge Daney. L’émotion peut alors nous étreindre.

Raphaël Nieuwjaer

De Nanni Moretti, avec Margherita Buy, John Turturro, Giulia Lazzarini, Nanni Moretti… Sortie le 02.12

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