L’exorciste
Michel Decarpentrie
Les amateurs de frissons risquent d’être un peu déçus. Point de têtes qui pivotent à 180 degrés ici, ni de geyser de vomi. à écouter Michel Decarpentrie, qui exerce depuis plus de 20 ans la fonction de prêtre-exorciste, on est plus proche de la psychiatrie que du film de William Friedkin. Le doyen du diocèse de Tournai nous raconte son quotidien pas si étrange. Quoi que…
Comment êtes-vous devenu exorciste? C’est une décision de l’évêque. Peut-être parce que j’ai fait des études d’assistant social.
Quel est votre rôle ? Accueillir des gens en grande souffrance. Quand on me téléphone, c’est qu’on a déjà vu du monde : des médecins, des psys, des charlatans aussi… L’exorcisme reste souvent leur dernier recours. Mais bien souvent ils attendent une « restauration magique ». Or, il n’y a rien de magique dans l’existence humaine.
Qu’est-ce qu’exorciser ? Cela signifie « libérer par la parole ». Ceux qui viennent à moi sont censés me raconter leur histoire, afin de se défaire de leur mal. Pour moi, il s’agit donc d’écouter la personne à tous les niveaux : physique, intellectuel, spirituel…
Pas de phénomènes surnaturels donc… Non, je n’ai jamais rien vu de très spectaculaire. Même si un être humain « brisé » peut parfois adopter un comportement étrange… Mais le rituel d’exorcisme reste rare. Je l’ai exécuté cinq fois en 20 ans.
En quoi cet acte consiste-t-il ? C’est une prière de délivrance, une liturgie de la parole par la lecture de la Bible.
Qui sont les personnes que vous recevez ? On trouve tous les profils et milieux. Athées, catholiques, musulmans… J’ai même reçu un médecin. Des psychiatres m’envoient aussi leurs patients.
Ces gens croient-ils être « possédés » ? Oui. Ce sont toutes des personnes dont les relations – amicales, familiales, professionnelles, etc. – sont « cassées ». Pour elles, les événements s’enchaînent, provoquant à un moment donné une faille dans la perception de la réalité…
Combien de temps vous faut-il pour exorciser ? Le temps nécessaire pour que chacun raconte son histoire : trois séances maximum. Mais ce n’est pas une thérapie, je ne suis pas psy.
Pourtant cela y ressemble… Oui mais le psy, souvent, ne tient pas compte de l’aspect spirituel de l’être humain, c’est cela qui pose problème.
Combien de personnes recevez-vous ? Cinq ou six par semaine. C’est beaucoup certes, mais on vit dans une société très éclatée, en perte de repères, donc les Hommes le sont aussi.
Les demandes augmentent-elles ? Oui, ça a augmenté à partir de 1995. C’était sans doute lié à la crainte du nouveau millénaire. Cela a diminué un peu pour repartir à la hausse dans les années 2005-2006. Avec la crise, la peur, ce poison mortel, reprend le dessus…
Croyez-vous au Diable ? Le Mal existe, on le voit tous les jours. Le mot « Diable » signifie « le diviseur ». Tout ce qui divise est le Mal. Mais je n’aime pas le personnaliser, ce serait lui donner trop d’importance.
441 071 011
Soit, en millions de dollars, la recette que L’Exorciste a rapportée à Warner Bros. C’est l’un des long-métrages les plus rentables de l’histoire – son coût de production ne s’élevant qu’à… 15 millions. Réalisé par William Friedkin, c’est le film le plus vu de l’année 1973. Michel Decarpentrie avoue être passé à côté.
Tubular Bells
C’est le nom de l’album instrumental dont le thème introductif a été immortalisé par L’Exorciste (le film, voir ci-contre). Publié en 1973 et réalisé par le Britannique Mike Oldfield il a été vendu, grâce à cette publicité inespérée, à 16 millions d’exemplaires ! D’autant plus remarquable que ce 33 tours est composé de deux seuls longs morceaux de rock symphonique.
Virgin
Autre anecdote, et non des moindres : c’est Tubular Bells – et donc, indirectement, L’Exorciste – qui permit à Richard Branson de hisser Virgin, alors simple distributeur, au rang de premier label indépendant mondial ! Un satané coup de pouce…