Home Littérature Le roman-photo

Juste une mise au point

Cantonné au rôle de tire-larmes dans des magazines peu recommandables, le roman-photo demeure un moyen d’expression sous-estimé. Ses possibilités artistiques sont pourtant immenses et n’ont jamais été défrichées. Ce que démontre Grégory Jarry, co-fondateur des éditions FLBLB (prononcez « fleubeuleub ») dans un manifeste qui dézingue les clichés.

C’est l’histoire d’un média tué dans l’oeuf. Né après la Seconde Guerre mondiale « le roman-photo s’est vite fourvoyé dans les productions à l’eau de rose qui ont rencontré un succès foudroyant », explique Grégory Jarry. « Et ce moyen d’expression a été réduit à cet emploi… ». En parallèle, il a aussi assouvi la demande de milliers de lecteurs en manque de « pipoles ». « A cette époque, on sortait des numéros avec des stars, car le cinéma était en plein boom ». Ses petites cases accueillirent une flopée de vedettes : Mireille Darc, Claudia Cardinale, Sophia Loren…

Hélas, tout cela aboutit aux mêmes conséquences : associer le roman-photo à un sous-genre daté, voire ringard, repoussant les artistes, auteurs et photographes pour des décennies. Certes, il y a eu quelques tentatives. Citons Jean Teulé, qui reçut pour son reportage Gens de France, en 1989, le prix du meilleur album au festival d’Angoulême (« la seule fois où un roman-photo fut récompensé »), ou encore la revue Hara-Kiri, grâce à Gébé (Malheur à qui me dessinera des moustaches), le Pr Choron et Wolinski. Mais – excepté les éditions FLBLB, qui publient du roman-photo depuis 20 ans – ces exemples firent peu d’émules.

Tout reste à faire – Dommage, car ce « cousin de la BD et du cinéma » est riche de possibilités. « Son histoire est très courte, et artistiquement très pauvre. Il y a tout à inventer sur le fond et la forme ». Quelles sont ses spécificités ? « Par l’utilisation de la photo, il donne une illusion de réalité que ne procure pas la bande dessinée ». Rien n’empêche aussi de casser les codes, on peut imaginer de nouvelles façons de raconter une histoire, innover sur le plan de l’écriture et de l’iconographie. Ainsi, Pauline à Paris de Benoît Vidal, qui décrit via sa grand-mère l’épopée d’une bonne à Paris au début du xxe siècle, se situe entre le documentaire et le récit hugolien.

Do it yourself – Le roman-photo jouit d’un avantage de taille : il nécessite peu de moyens. Grégory Jarry le sait bien, lui qui joue régulièrement dans ses propres productions (citons Savoir pour qui voter est important, tordant recueil de sketches politiques publié en 2007). « Bien-sûr, il faut du temps, de l’énergie, savoir écrire un scénario… mais la réalisation est simple. Elle ne requiert pas d’excellents acteurs, on peut se lancer avec des amis. Et je pense qu’il y a beaucoup d’auteurs qui s’ignorent… ». Un côté « Do it yourself » qui pourrait séduire les cinéastes : « un projet se monte en quelques mois sans avoir à lécher le cul des chaînes de télévision ! (sic) », lancet- il dans son manifeste (Debout le Roman-Photo !), assurant avoir suscité l’intérêt, il y a quelques années, de Bruno Podalydès… Bref, Grégory Jarry en est persuadé : « demain, une nouvelle maison créée par de plus jeunes, imposera le romanphoto comme moyen d’expression majeur de son temps ».

Texte : Julien Damien / Photo: Grégory Jarry dans "Qui veut la peau des Ferchaux ?" - J’aime lire max ! © Bayard Presse

A lire /

Debout le Roman-Photo, de Grégory Jarry, éditions FLBLB, 16p., gratuit

Savoir pour qui voter est important, de Grégory Jarry, éditions FLBLB, 96 p., 15€

Pauline à Paris, de Benoît Vidal, éditions FLBLB, 144p., 20€

Gens de France, Jean Teulé, éd. Ego comme X, 256p., 38€

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