Home Portrait Aurélien Bory

Dialogue avec la gravité

©Mario Del Curto

Aurélien Bory invente des mondes parallèles stupéfiants, aux pans inclinés et à la perspective inversée. Chacune de ses mises en scène navigue entre acrobatie et poésie pure, qu’il s’agisse d’une pièce impliquant un chapiteau (Géométrie de caoutchouc) ou pour 12 artistes chinois et sept blocs de bois de 100 kilos (Les 7 planches de la ruse). Avec Plexus, il tisse un portrait tout en nuances de la danseuse Kaori Ito, au sein d’une gigantesque toile d’araignée. Renversant.

Le metteur en scène s’exprime avec calme lorsqu’il retrace le chemin qui l’a mené de ses études en sciences – en acoustique architecturale – à la découverte du cirque. Il en garde un goût prononcé pour la physique, source d’inspiration première de son travail : « Je crée un théâtre physique dans tous les sens du terme : je m’intéresse autant aux corps qu’aux lois physiques qui régissent l’espace du plateau ». C’est en poussant la porte de l’école du Lido à Toulouse qu’il entre dans le monde du spectacle. Il y apprend le jonglage, la mise en scène, fait des rencontres décisives. Et frappe fort dès 2003 avec Plan B, premier succès d’une trilogie sur l’espace qui forge son style, où quatre acrobates-jongleurs défient la gravité en jouant avec la perception visuelle du spectateur.

Géométrie

Depuis la création de la Compagnie 111 en 2000, Aurélien Bory manifeste un génie pour la scénographie. Il compose avec une géométrie fascinante, mais toujours traversée par des corps en mouvement. Chacune de ses pièces réserve une série de contraintes aux interprètes. Autour d’une idée-force, il cherche le maximum de configurations pour bousculer le cadre originel. « Il s’agit de confronter l’homme à quelque chose qui le dépasse, dit-il. De définir son rapport au monde ». Ainsi, dans Les 7 planches de la ruse, monté en Chine en 2007, les artistes de l’Opéra de Dalian circulent entre les pièces d’un jeu de tangram géant (aux 2 000 combinaisons possibles) et orchestrent un ballet où le moindre geste risque de démolir l’ensemble. C’est en admirant ces acrobates évoluer entre ces immenses blocs noirs que Kaori Ito envisage de travailler avec le Toulousain.

 

 

Rencontre au sommet

Kaori Ito est Japonaise, danseuse émérite qui a fait ses armes chez Preljocaj, Alain Platel et James Thierrée. « J’ai eu envie de créer quelque chose spécialement pour elle », se souvient Aurélien, qui a entamé la réalisation de portraits sur-mesure avec Qu’estcequetudeviens ? pour Stéphanie Fuster, en 2008. « Ce qui m’intéresse c’est de regarder comment une personne peut se déployer en un paysage. D’explorer son espace intérieur pour le donner à voir ». Pour écrire Plexus, il puise dans l’histoire de Kaori Ito : « Elle a quitté le Japon à 18 ans pour danser, une vraie rupture dans sa vie. J’ai travaillé sur cette perte, ce déplacement ». Il réalise alors« son double, une marionnette à son effigie. Je lui ai dit : « voilà ton professeur de danse ». On la manipulait avec des fils, Kaori a adapté ses mouvements, sa pesanteur. Ensuite, j’ai seulement gardé les fils pour concevoir un espace ».

Ombre et lumière

L’architecture de Plexus se bâtit comme un réseau, une forêt de cinq mille fils où la danseuse flotte, tente de se déplacer. Un décor qui s’écrit en clair-obscur : « L’ombre est très importante au Japon. Elle enveloppe des esprits, c’est inquiétant, évanescent ». Fluette silhouette évoluant tout en grâce, Kaori Ito s’y révèle tour à tour présence fantomatique et pantin désarticulé. La pièce reflète son monde intérieur et l’espace dans lequel elle lutte pour trouver sa place. « Elle y est enfermée comme à l’intérieur de son propre corps ». Elle se débat lentement, suspendue entre ciel et scène. D’une certaine manière, c’est aussi un anti-portrait, un effacement progressif de l’interprète. Et une réflexion sur la condition humaine.

 

Marie Pons
Informations
Bruxelles, Halles de Schaerbeek

Site internet : http://www.halles.be

01.04.2015>02.04.201520h30, 18>9€
Arras, Théâtre d'Arras

Site internet : http://www.tandem-arrasdouai.eu

21.04.2015>22.04.2015mar, 20h30, mer, 20h, 20>9€

Avec Kaori Ito
Conception, scénographie et mise en scène Aurélien Bory
Chorégraphie Kaori Ito
Composition musicale Joan Cambon
Création lumière Arno Veyrat
Régie plateau et manipulation Tristan Baudoin
Sonorisation Stéphane Ley
Costumes Sylvie Marcucci
Recherche et adaptation Taïcir Fadel
Conception technique du décor Pierre Dequivre
Réalisation décor Atelier de la fiancée du pirate
Construction prototype Pierre Gosselin
Machinerie Marc Bizet
Régie générale Arno Veyrat

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