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Dancefort sur la Tamise ?

© Elisabeth Blanchet

Ce n’est pas une maison bleue adossée à la colline mais un  « véritable monstre », comme le qualifie Nigel Day, l’agent immobilier chargé de vendre ce fort abandonné en plein estuaire de la Tamise. « No 1 The Thames n’est effectivement pas la propriété la plus facile à vendre », sourit-il. Imaginez : un fort circulaire victorien bâti en 1855 pendant la guerre de Crimée, auquel fut ajoutée une tour carrée armée de canons destinés à se défendre d’une éventuelle invasion germanique ! Qui voudrait faire de cet endroit incongru sa propriété ? Apparemment, l’intérêt ne manque pas…

Résidences privées de luxe, casino, hôtel et surtout night-club. Les idées les plus extravagantes planent dans l’air et… dans la mer. Car, petit détail : le fort n’est accessible à pieds qu’à marée basse ! Et encore, il faut s’armer de bonnes vieilles bottes en caoutchouc et suivre les vestiges d’un petit chemin pour parcourir le kilomètre qui mène à l’entrée. Sinon, l’enlisement dans la vase jusqu’à mi-mollet est garanti. Que va bien pouvoir trouver le visiteur dans les entrailles de la bête ? Des salles rondes sombres, éclairées de meurtrières à barreaux. Des restes de machinerie destinée à monter les obus au sommet du bâtiment, où une plateforme circulaire fut jadis équipée d’artillerie lourde…

Le Bon Coin 

Situés à une heure et demie de voiture de Londres, le fort et sa structure inhabituelle ne font pas peur au cabinet d’architectes WT, qui a déjà développé des plans modernistes du lieu que Simon Cooper, entrepreneur en bâtiment, avait acheté il y a une dizaine d’années à la couronne britannique. « Il a obtenu cet endroit pour une bouchée de pain, explique Nigel. Il voulait le retaper, en faire sa résidence mais n’a jamais réussi à trouver les fonds. Il a donc décidé de vendre ». La mise à prix du « monstre » est de £ 500,000 (627 000 €), le coût d’un trois-pièces à Londres. Une somme qui n’inclut pas le respect des normes de sécurité. Pourtant Nigel est optimiste : « Je suis quasiment sûr qu’on va vendre. Et que les enchères monteront jusqu’à £ 750,000 – £ 1 000 000. J’ai une bonne dizaine d’intéressés ».

Un sacré before

L’idée la plus folle vient du promoteur d’événements musicaux écossais Minival, qui veut transformer No 1 The Thames en une sorte de Berghain-by-the-Sea, en référence au célèbre club techno, à Berlin. « Quand on a vu que le fort était en vente, on a eu l’idée d’en faire un super night-club ouvert 24/24h le week-end, raconte Ravi Karia, le directeur de Minival. On a lancé une campagne de crowdfunding pour tester. Et ça a explosé ! » Pris de cours par le succès de la campagne, Minival a commandé une étude de faisabilité car il croit plus que jamais en son projet. « Evidemment, le plus gros problème à résoudre concerne la sécurité de l’établissement… Et aussi l’autorisation d’ouvrir non-stop », poursuit Ravi.

Bienvenue à bord

Car c’est un espace d’envergure internationale que le groupe veut créer. « Un club dans l’esprit du Berghain, qui garderait sa structure actuelle chargée d’histoire, où les gens viendraient du monde entier pour vivre une expérience. On affréterait des bateaux du centre de Londres qui accosteraient directement ici. On ferait venir les plus grands DJ’s et la semaine, on organiserait des expos, des événements culturels… ». Un projet qui fait rêver. mais Minival attend les résultats de l’étude pour mettre la gomme sur la campagne de crowdfunding, qui offre à tous ses supporters un accès au fort gratuit à vie. « Pourvu que tous les membres ne décident pas de venir en même temps » lâche Ravi avec un large sourire. En attendant, à cinq ou six étages au-dessus de l’eau, la vue est grandiose. Et donne une sensation de mal de mer. D’ailleurs elle commence à remonter. Il est temps de rejoindre la terre ferme du Kent et laisser le « monstre » se faire encercler une fois de plus par la marée.

Texte & Photo Elisabeth Blanchet / Images de synthèse © WT
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