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La graine et le muret

© Julien Collinet

« Savez-vous planter les choux, à la mode de chez nous ? » Non ? Eh bien maintenant, on les plante sur les toits, les friches et même au coin de la rue… Si le XXe  siècle a consacré l’habitat urbain, désormais, la tendance est bien au vert dans les villes où l’on voit pousser toutes sortes de jardins et de potagers. De Bruxelles à Lille, ils sont nombreux à montrer que l’agriculture reprend ses droits dans la cité. Prenons-en de la graine.

En ce matin d’été, le soleil tape fort sur le toit de la Bibliothèque Royale de Belgique. Le vent fait frémir les feuilles de plants de carottes tandis que se dégagent des odeurs d’herbes aromatiques et de tomates. Les nombreuses tours environnantes nous rappellent pourtant que nous sommes en plein centre-ville. Ludivine profite de sa pause déjeuner pour faire ses courses. Avec 7€, elle repartira aujourd’hui avec quelques courgettes, du céleri, une botte de persil et d’éclatantes bettes rouges.« Je viens une fois par semaine, les légumes sont frais, excellents, et pas plus chers que sur un marché » explique la jeune femme. Julien est lui bénévole pour l’association Potage-Toit, à l’origine du projet. Chaque semaine, il consacre une journée pour entretenir les plantes et accueillir les clients.        « J’ai appris à jardiner avec mon père » se remémore-t-il en semant du mesclun. Enfant, cette activité n’était pourtant pas des plus exaltantes, « mais en vieillissant, j’ai pris beaucoup de plaisir à remettre les mains dans la terre. »

Des aubergines en Belgique

L’espace a été ouvert en 2012 par Filippo Dattola. Après des essais sur son propre toit il a trouvé ce lieu idéal :       « C’est accessible, la surface de 120 m2 est importante et exposée plein sud. Avec la forte réverbération des murs il y a même presque trop de chaleur. On peut faire pousser des variétés que l’on ne voit habituellement pas en Belgique, comme des aubergines ou des poivrons ». En plus des particuliers, l’association approvisionne deux restaurants. « Mais très irrégulièrement, car cela exige une production au-delà de nos possibilités » tempère Filippo. Or la productivité n’est pas capitale. « L’agriculture urbaine reste marginale et compliquée d’un point de vue économique. En revanche l’aspect pédagogique est très intéressant. » Filippo sensibilise ainsi les visiteurs aux problématiques du système agro-industriel et milite pour un maraîchage diversifié et raisonné.

Une production limitée

L’association Le Début Des Haricots partage cette logique. Elle a accompagné la création de près de 70 potagers collectifs à Bruxelles. S’il existe depuis longtemps des jardins ouvriers, ils étaient généralement réservés aux employés du rail « sans aucune dimension collective » souligne Fanny Pieman, en charge de ces jardins. « Ces potagers créent beaucoup d’échanges et de partage. Ils ne permettront jamais de nourrir toute la ville, mais on ressent une réelle prise de conscience et un désir de relocaliser l’économie. Les gens veulent reprendre en main leur consommation. » Malgré leur nombre important, la pérennité de ces jardins reste précaire. « Parfois, la sauce ne prend pas entre les différents jardiniers, et la dynamique s’essouffle. La pression démographique est également importante et peut menacer ces espaces. » L’agriculture urbaine a toutefois le vent en poupe. Des projets fleurissent dans la capitale. Ainsi, à Watermael-Boitsfort, la Ferme du chant des Cailles produit fromages, fruits et légumes en quantité intéressante. Alors qu’un impressionnant potager de 4 000 m2 devrait voir le jour en 2015 sur le toit des halles des… Abattoirs.

Vous vous sentez la main verte ? Encore plus d’infos sur les potagers urbains avec Françoise Dubost et Guérillero potager .

Julien Collinet
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